Atlas Social d'Angers

Le dessous des cartes de la douceur angevine

Questionner les représentations et expériences de l’habiter dans le quartier de la Roseraie à Angers


Une balade urbaine contée mêlant art et anthropologie (juin 2022)

par Alexandra Clavé-Mercier

planche publiée le 05 décembre 2022

« Habiter la Roseraie : regards croisés » est un projet de rencontres et de collectages initié par la compagnie artistique Omi Sissi qui s’est déroulé dans le quartier d'Angers de la Roseraie entre septembre 2021 et mai 2022. Entre entretiens, prises de vues et enregistrements, l’équipe a rencontré plusieurs acteurs et habitant.e.s du quartier.
Ce travail a permis d’élaborer une balade urbaine contée qui s’est déroulée le 25 juin 2022. Celle-ci propose d’interroger le regard porté sur le quartier de la Roseraie et son vécu par celles et ceux qui y habitent. Il s’agit d’un parcours artistique qui mêle récits, installation photographique, dispositifs sonores et impromptus, réalisés avec des habitant.e.s.

Croiser les regards portés sur le quartier avec les expériences habitantes

1Dans la ville d’Angers, le quartier de La Roseraie fait l’objet de nombreuses représentations négatives qui définissent les habitant.e.s de manière homogène et stigmatisante 1.

2Porté par la compagnie artistique Omi Sissi, le projet « Habiter la Roseraie : regards croisés » est un projet de territoire mêlant art et recherche, incluant une dimension anthropologique. Ce projet s’intéresse au quartier de La Roseraie, labellisé aujourd’hui comme « Quartier prioritaire de la Politique de la ville ». Les statistiques produites par l’INSEE2 permettent d’en dresser le profil suivant : une population particulièrement jeune et des ménages regroupant plusieurs enfants, un taux de pauvreté en hausse (avec 23,4% de ménages sous le seuil de pauvreté et 48% de logements sociaux) et une proportion importante d’habitants étrangers ou nés à l’étranger (23,3% – comparé à 8,5% dans l’ensemble de la ville, selon les chiffres de l’INSEE et d’après le recensement de la population de 2017).

3Ce projet porte sur cette catégorisation identitaire et questionne les possibilités de son dépassement par une médiation artistique faisant participer les habitant.e.s de ce quartier, proposant des espaces d'expression publics à travers lesquels il est possible de se présenter et de donner à voir le quartier autrement, de l'intérieur et de manière subjective. En interrogeant ce processus de catégorisation (Martiniello et Simon, 2005 ; Laplanche-Servigne et Sa Vilas Boas, 2019), nous souhaitons soulever le fait que les perceptions, représentations et identifications des habitants de ce quartier relèvent globalement de regards portés a priori, qui empêchent finalement la rencontre.

4Comment alors nommer un espace de vie ?
Qui fait le quartier ?
Est-il possible d’en parler comme un ensemble homogène ?
Que faire des catégorisations réifiantes et objectivantes ?
Quelles vies représentent-elles ?
Quelles singularités cachent-elles ?
Comment les faire émerger concrètement ?

5Voilà notre point de départ, réunir des personnes parce qu’elles habitent un même lieu et ouvrir un espace pour qu’elles puissent raconter un lieu et se raconter dans ce lieu, au-delà de ce qui est dit « du dehors » et au-delà des assignations identitaires. Ainsi, il s’agit de dépasser la catégorisation d’un territoire rejaillissant sur ses habitants pour questionner et faire résonner les différentes manières d’être et d'habiter cet espace.

Une méthode hybride atypique pour collecter puis donner à voir et à entendre les habitant.es dans l’espace public

6Art et recherche sont étroitement entremêlés tout au long du projet, dans une seule et même démarche englobant une méthodologie partagée de recueil de parole, une présence régulière pendant une année sur le terrain, le partage régulier de moments d’échanges avec les participant.e.s, une réflexion partagée au long cours sur la forme choisie pour le temps fort du projet, comme le retour sur le terrain une fois le projet terminé. Autant d’éléments nous semblant essentiels à la fois pour asseoir une démarche anthropologique impliquée et pour collaborer au mieux et au plus près des attentes de chacun.e au sein de ce projet cherchant à faire participer les habitant.es.

7Conteuse-comédienne et anthropologue, entourées sur certaines périodes d'une documentariste sonore, d'une photographe et d’un plasticien sonore, nous avons proposé aux habitant.es qui souhaitaient participer de recueillir leurs paroles concernant leur vécu singulier au sein de ce territoire. Tantôt effectué de manière collective en prenant en compte certains groupes ou associations préexistantes, tantôt de manière individuelle avec des habitants rencontrés par différents biais (notamment grâce au temps passé et aux liens tissés dans le quartier), ce recueil de paroles ne visait pas une exhaustivité ou une représentativité, mais s’attachait plutôt à mettre en avant l’intime et le singulier. Par la suite, un recueil photographique des lieux du quartier faisant sens pour chacun.e, avec une prise de portraits en ces lieux, a été proposé.

Photos des habitant.e.s

1 : Devant la fresque Place Jean XXIII

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2 : Dans le petit parc de l’Ilot Vert

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3 : Dans le parc des collines

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4 : Devant le bureau de l'Interassociation, au petit Mathurin

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5 : Devant le Centre Jean Vilar

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6 : Sur la piste cyclable au milieu de l'allée verte du Boulevard Robert Schuman

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7 : Sur un banc du petit square au bout de l'allée Robert Schuman

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8 : Dans un petit jardin collectif du quartier

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9 : Au parc de l'arboretum Gaston Allard

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Photos prises dans le cadre du projet "Habiter la Roseraie : regards croisés", quartier populaire d'Angers (49), porté par la Compagnie Omi Sissi.

Crédit photo : Compagnie Omi Sissi - 2022

Voyage au cœur de la Roseraie

8L’ensemble de ces rencontres et recueils a conduit à la mise en place d’un temps fort dans l'espace public où ces différents regards, dont les nôtres découvrant ce quartier « de l’intérieur » (et se confrontant parfois à des interrogations ou résistances qui nous ont semblé intéressantes à restituer), ont été mis en scène et en espace, sous forme d’une balade urbaine contée. Imaginée collectivement, celle-ci a été jouée à trois reprises le samedi 25 juin 2022, entraînant à chaque fois entre trente et cinquante personnes pour sillonner 2 kilomètres au sein du quartier, casques connectés vissés sur les oreilles pour écouter, ensemble et au plus près, les paroles données tout en ouvrant grand les yeux sur les espaces arpentés dans le quartier.

Teaser "Habiter la Roseraie : regards croisés"

https://univ-angers.cloud.panopto.eu/Panopto/Pages/Viewer.aspx?id=8d401db6-d8fc-432b-81a6-af620090b87f

Crédits: Réalisation Josic Jégu 2022.

9Voici ci-dessous ici un aperçu du parcours effectué, de la place Jean XXIII au parc des Collines, avec des extraits de récits et de bulles sonores qui ont été proposés à l’écoute aux lieux indiqués sur la carte, ainsi qu’un panel de photographies exposées dans le parc clôturant ainsi la balade.

Habiter la Roseraie : regards croisés – Carte des itinéraires sonores

https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/la-roseraie_813313#16/47.4468/-0.5579

Crédits : Clavé-Mercier, Giffon, ESO-Angers, 2022.

Cliquer sur les points pour entendre les capsules sonores de la promenade contée

10Les médias locaux ont largement relayé ce temps fort, auquel ont participé à la fois des habitant.es de La Roseraie comme des personnes extérieures : Voir en ligne les articles de Ouest France de juin 2022 « Angers. Voyage au cœur de la Roseraie avec ses habitants » et « Angers. Une balade qui vous plonge dans les paroles d’habitants de la Roseraie »

Vers une analyse anthropologique portant sur plusieurs dimensions du projet

11Dans le cadre de ce projet, mon travail de recherche anthropologique consiste d’une part en une analyse située des formes et enjeux de la participation des habitant.e.s d’un quartier à un projet qui les met au centre, en relation avec des artistes cherchant à faire émerger et à porter leur voix. Je m’inscris ce faisant dans une démarche d’ethnographie de la participation (Cefaï et al. 2012) et d’anthropologie impliquée (Albert, 1995). Il s’agit d’autre part de contribuer aux réflexions sur le potentiel émancipateur d’une démarche artistique, ancrée dans un territoire stigmatisé, mais aussi sur ses conditions et ses limites (Milliot, 2013). Le questionnement porte ainsi en filigrane sur la mise en scène et en espace des présentations de soi comme possibilité d’expression permettant de contrer la catégorisation.

12Conception et réalisation : Alexandra Clavé-Mercier (anthropologue), Mattieu Delaunay (créateur et metteur en son), Sarah El Ouni (conteuse), Angèle Hérault (chargée de développement du projet), Cécile Liège (documentariste sonore), Armandine Penna (photographe), Clémence Solignac (regardextérieur).
Partenaires et financeurs : En partenariat avec l’Interassociation Roseraie, Génération Métisse, les Conteuses de la Jabotée, la Confédération Syndicale des Familles et le Centre Jean Vilar. Réalisé grâce au soutien de la Ville d’Angers (Politique de la Ville) et du Ministère chargé de la Ville, de la DRAC (Pôle Publics et Territoires), et de la Fondation Grand Ouest.

Notes

Pour citer ce document

Alexandra Clavé-Mercier, 2022 : « Questionner les représentations et expériences de l’habiter dans le quartier de la Roseraie à Angers », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 13/09/2023, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1010, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1010.

Bibliographie

ALBERT B., 1995, « Anthropologie appliquée ou "anthropologie impliquée" ? : Ethnographie, minorités et développement, in Jean-François Baré Dir., Les applications de l'anthropologie : un essai de réflexion collective depuis la France, Karthala, pp. 87-118

CEFAI D. et al., 2012, « Ethnographies de la participation », Participations, vol. 4, no. 3, pp. 7-48.

MARTINIELLO M. et SIMON P., 2005, « Les enjeux de la catégorisation », Revue européenne des migrations internationales, vol. 21 - n°2.

LAPLANCHE-SERVIGNE S. et SA VILAS BOAS M.H., 2019, « Catégoriser les publics minorisés », dossier thématique de la revue Participations, vol. 25, n°3.

MILLIOT V., 2013, « Art participatif et spectacles urbains : une analyse des transformations des politiques de l’art à Lyon. », EspacesTemps.net, Travaux, Mis en ligne le 10 décembre 2013 en ligne.

Alexandra Clavé-Mercier

Socio-anthropologue, enseignante au département de sociologie de l'université de Tours, chercheure associée à CITERES (UMR 7324) et à ESO-Angers (UMR 6590) et fellow de l'Institut Convergences Migrations

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Résumé

« Habiter la Roseraie : regards croisés » est un projet de rencontres et de collectages initié par la compagnie artistique Omi Sissi qui s’est déroulé dans le quartier d'Angers de la Roseraie entre septembre 2021 et mai 2022. Entre entretiens, prises de vues et enregistrements, l’équipe a rencontré plusieurs acteurs et habitant.e.s du quartier.
Ce travail a permis d’élaborer une balade urbaine contée qui s’est déroulée le 25 juin 2022. Celle-ci propose d’interroger le regard porté sur le quartier de la Roseraie et son vécu par celles et ceux qui y habitent. Il s’agit d’un parcours artistique qui mêle récits, installation photographique, dispositifs sonores et impromptus, réalisés avec des habitant.e.s.

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