Atlas Social d'Angers

Le dessous des cartes de la douceur angevine

La pauvreté économique dans l’Aire d’Attraction et la Ville d’Angers : entre concentration et ségrégation

par Quentin Brouard-Sala

planche publiée le 01 décembre 2023

À partir des fichiers locaux sociaux et fiscaux (FILOSOFI) de l’INSEE, il est possible de calculer des seuils de pauvreté à l’échelle fine de carrés de 200 x 200 mètres. Ils permettent de cartographier la pauvreté économique et donc de déceler des dynamiques de concentration, relégation voire ségrégation dans des quartiers de la ville, voire des communes à une échelle plus large.

Contexte

1Nous proposons une reprise de la planche de Quentin Brouard-Sala et Morgane Esnault « Le paradoxe de la pauvreté : un phénomène à la fois diffus et concentré » publiée dans l’Atlas social de Caen1 en utilisant les fichiers locaux sociaux et fiscaux (FILOSOFI)2 de l’INSEE et en l’adaptant au contexte angevin. Les populations en situation de pauvreté, les ménages dont le revenu est en dessous du seuil fixé à 60 % du revenu médian (1 041 €/mois pour une personne seule en 2017), sont présentes dans l’ensemble de l’Aire d’Attraction de la Ville (AAV) d’Angers et au-delà. La moyenne départementale du taux de pauvreté est de 9,48 % et à 14,6 % en France. La typologie proposée sépare les espaces qui concentrent relativement peu de pauvreté par rapport à la moyenne nationale (en bleu clair et bleu foncé), et inversement les espaces qui hébergent le plus de pauvres (en orange et rouge).

Pauvreté en ville : une concentration dans les quartiers périphériques et en ville

2À Angers comme ailleurs, les villes concentrent une partie de la population sous le seuil de pauvreté du fait de l’importance des logements collectifs, et notamment du parc social dont la vocation est d’accueillir des ménages aux profils sociologiques généralement plus pauvres. Des quartiers aux marges de la commune d’Angers se distinguent clairement : Belle-Beille, Monplaisir, Roseraie, etc. Ces quartiers ont été construits à l’origine pour répondre aux besoins quantitatifs de logements dans les années 1960 à 1980. Une partie correspond à des quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville (QPPV). Depuis les années 2000, la politique de Renouvellement urbain a engendré la démolition, la réhabilitation mais aussi la construction de logements dans ces lieux. On vise à favoriser la mixité sociale, c’est-à-dire à réduire la part de populations pauvres, en favorisant leur insertion sociale par l’arrivée de populations plus aisées. Le risque est cependant d’amener les personnes les plus pauvres d’être reléguées dans un quartier plus lointain à cause des loyers trop élevés.

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Sources : IGN, 2020. INSEE, 2019. Conception : Brouard-Sala Q. et Esnault M., 2023. Crédits : ESO-Angers, 2023

La pauvreté à l'échelle du centre-ville d'Angers en 2019

3Contrairement à une idée répandue, le centre-ville comprend des lieux où les seuils de pauvreté sont élevés. Une partie de l’explication tient à la structure sociale du centre et à l’importance de petits logements à destination d’étudiants et, plus généralement, de jeunes actifs. En effet, l’enseignement supérieur et les emplois tertiaires suscitent l’installation de personnes jeunes, mais aussi plus pauvres. Cette population est ancrée aux alentours du château, du quartier de la Doutre ou de Saint-Serge. Cependant, les réhabilitations de logements dans le centre-ville, comme dans les quartiers périphériques, ont eu tendance à augmenter les montants des loyers. Cette situation précarise d’autant plus les étudiants, qui même en cumulant de faibles bourses et un emploi, ont des difficultés à terminer financièrement chaque mois. Toujours en lien avec les étudiants, des quartiers se développent en lien avec le développement du tram et du campus Belle-Beille. Le quartier de Patton subi l’arrivée d’étudiants augmentant le prix de l’immobilier et donc des loyers. On peut remarquer, qu’à l’instar des remarques de Vincent Veschambre (2002), on retrouve de nouveau une géographie de la pauvreté en corrélation à celle des années 1960 à Angers.

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Sources : IGN, 2020. INSEE, 2019. Conception : Brouard-Sala Q. et Esnault M., 2023. Crédits : ESO-Angers, 2023

La pauvreté à l'échelle de la ville d'Angers en 2019

Pauvreté en campagnes : un processus de relégation

4À une échelle géographique plus large, on constate des taux de pauvreté élevés de part et d’autre du périmètre de l’Aire d’Attraction de la Ville d’Angers. Il s’agit d’espaces périurbanisés lointains ou d’espaces ruraux isolés. La proportion de personnes pauvres suit les axes routiers en s’éloignant d’Angers, vers Saumur, Segré, Cholet, etc. Ce phénomène s’explique par un ensemble de facteurs : un marché immobilier plus accessible en périphérie lointaine, surtout pour les familles qui ont besoin de grandes surfaces habitables, mais également le profil socio-économique (âge, sexe, niveaux de diplôme, emplois, revenus, etc.). Ces personnes précaires peuvent être captives de leur logement dans la mesure où, économiquement, elles ne peuvent pas partir, ce qui contribue à les maintenir à des niveaux élevés de pauvreté. Eloignés des emplois concentrés dans les centres urbains, ces ménages multiplient les déplacements (école, travail, famille, etc.), les fragilisant davantage. Au-delà de leur relégation, ces personnes sont de fait maintenues dans des conditions fragiles voire captives de celles-ci (Rougé, 2005).

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Sources : IGN, 2020. INSEE, 2019. Conception : Brouard-Sala Q. et Esnault M., 2023. Crédits : ESO-Angers, 2023

La pauvreté à l'échelle de l’Aire d’Attraction de la Ville d’Angers en 2019

5Les zones de concentration de la pauvreté dans ces différents espaces urbains ou ruraux, ne signifient pas pour autant l’absence de pauvreté ailleurs. La pauvreté est partout, et nécessiterait une intervention plus sectorielle que territoriale comme c’est le cas aujourd’hui. A l’inverse de l’ensemble de ces propos, de nombreux espaces en centre-ville et en périphérie assez immédiate de la ville rassemblent peu voire très peu de ménages pauvres. Il s’agit de banlieues résidentielles (Beaucouzé, Avrillé, Saint-Saturnin-sur-Loire) ou de quartiers huppés du centre-ville (La Fayette, Jardin du Mail, etc.). Si une intervention de mixité sociale devrait intervenir, ce serait plutôt dans ces lieux. Ces conditions de vie précaires monétairement, qui tendent à se concentrer et se diffuser à la fois à Angers et dans ses campagnes environnantes, mêmes lointaines, appellent donc à nuancer « la douceur angevine ». Apprécie-t-on réellement cette douceur quand on est en situation de pauvreté ? Angers, mise en avant comme ville la plus verte de France, permet-elle avec la forte présence d’espaces arborés de compenser les fins de mois difficiles sans rien à manger ?

Notes

Pour citer ce document

Quentin Brouard-Sala, 2023 : « La pauvreté économique dans l’Aire d’Attraction et la Ville d’Angers : entre concentration et ségrégation », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 09/12/2023, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1153, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1153.

Autres planches in : Engagement, solidarité et discriminations

Extraits de Village global, roman graphique, pages 114-115 (Lessault, Geffroy, 2023. Editions Steinkis, 144p.).

Les campagnes angevines mobilisées dans l’accueil des exilé.e.s

par David Lessault et Alexandra Clavé-Mercier

Voirla planche intégrale 

Bibliographie

BROUARD-SALA Q. et ESNAULT M., 2021, Le paradoxe de la pauvreté : un phénomène à la fois diffus et concentré, Atlas social de Caen. De l'agglomération à la métropole ? Voir en ligne

ROUGE L., 2005, Accession à la propriété et modes de vie en maison individuelle des familles modestes installées en périurbain lointain toulousain. Les « captifs » du périurbain ? , Thèse de doctorat de géographie, Université de Toulouse II Le Mirail, 381 p. Voir en ligne

VESCHAMBRE V., 2002, Une mémoire urbaine socialement sélective : Réflexions à partir de l’exemple d’Angers, in Les Annales de la recherche urbaine, n°92, p.65-73.Voir en ligne - https://doi.org/10.3406/aru.2002.2458

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Glossaire

Quentin Brouard-Sala

Enseignant-Chercheur contractuel, Université d'Angers, UMR CNRS 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

À partir des fichiers locaux sociaux et fiscaux (FILOSOFI) de l’INSEE, il est possible de calculer des seuils de pauvreté à l’échelle fine de carrés de 200 x 200 mètres. Ils permettent de cartographier la pauvreté économique et donc de déceler des dynamiques de concentration, relégation voire ségrégation dans des quartiers de la ville, voire des communes à une échelle plus large.

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