Les chaufferies collectives à biomasse dans leurs territoires, étude de cas dans le quartier de Belle-Beille
Table des matières
À Angers, ville qui se positionne comme vitrine pour les questions environnementales, il existe 5 chaufferies à bois collectives qui permettent de créer un maillage de distribution de chaleur. Aujourd’hui, si cette production peut répondre à une crise énergétique majeure, l’extraction de bois, sa combustion ou la qualité de l’air peuvent parfois inquiéter les citoyens et provoquer des débats. Par ailleurs, même si les politiques locales et l’ADEME recommandent l’installation de chaufferies à biomasse, les questions de la « décarbonation » de l’énergie (transport, fumée, analyse du cycle de vie du bois…) et de sa réelle participation à la « transition écologique » (impact sur le paysage bocager, nuisance due aux transports, limite de production forestière) peuvent se poser.
Contexte
« Le territoire angevin est un exemple. C’est vrai dans beaucoup de domaines, en particulier celui de la transition écologique. Je pense par exemple à l’extension des réseaux de chaleur qui alimentent logements et équipements. Ces chaufferies au bois utilisent une énergie décarbonée. Il faut s’inspirer de ce qui fonctionne sur le plan local, relever aussi de ce qui ne marche pas. J'ai toujours eu la conviction que les territoires étaient la solution pour notre pays. »
Christophe Béchu et Jean-Marc Verchère le 12/09/221
1La France s’est donnée comme objectif la neutralité carbone en 20502. Aujourd’hui, le secteur le plus consommateur d’énergie est le chauffage des bâtiments, représentant 48 % des besoins français3. Aussi, l’indépendance énergétique de la France n’est que de 45,3 % au second semestre 2022 (le plus bas taux depuis 2006)4. Le système énergétique français est sous pression : restriction de gaz imposée par la Russie, centrales nucléaires ralenties ou encore changement climatique5. Ainsi, entre la neutralité carbone et les besoins énergétiques en évolution et dépendants parfois de relations internationales, il est important de rechercher une indépendance énergétique, et si possible durable. Une des solutions est la production de chaleur grâce au bois-énergie. Cette production utilise des rémanents de la filière bois (palettes, déchets de scieries…) ou du bois d’entretien (bocage, forêts communale ou régionale…) pour alimenter des chaudières-biomasse parfois couplées à des chaudières à gaz. Ces installations peuvent aussi bien exister à l’échelle d’une habitation (cheminée, poêle, foyer) qu’à l’échelle d’un quartier ou d’une ville.
Un fort développement des chaufferies à biomasse à Angers
2En région Pays de la Loire, plus de 300 installations de chaufferies bois collectives et industrielles génèrent une consommation de près de 570 000 tonnes de bois en 20216. Angers possède 5 chaufferies à bois collectives, qui ont une puissance allant de 1 017 MWh à 62 000 MWh pour une consommation de 200 tonnes à 16 000 tonnes de bois par an (estimation d’après les rapports d’activités 2020 et 2021 des chaufferies angevines - ALTER7), 12 000 tonnes pour la chaufferie de Belle-Beille. Les chaufferies à biomasse d’Angers sont principalement situées en périphérie, dans des zones d’activités, préférentiellement hors des quartiers résidentiels et proches de grands axes routiers permettant les livraisons de bois (qui peuvent aller jusqu’à 2 camions par jour en hiver pour Belle-Beille).
Carte : Marie-Alix Bodhuin
Situation géographique des 5 chaufferies à biomasse collectives de la ville d'Angers : en périphérie et dans des zones d'activités et d'intérêts.
3La distribution de chaleur de ces chaufferies est principalement envoyée vers des bâtiments d’enseignement (42,56%), industriels (33,33 %) et d’équipements publics (15,90 %)8.
La Chaufferie à Belle-Beille
4Le quartier Belle-Beille se découpe en trois parties : une zone résidentielle, comprenant de nombreuses petites maisons individuelles, avec environ 6 000 habitants (INSEE 2018)9, une partie Quartier Prioritaire de la Politique de la Ville (QPPV) composée de petits immeubles et grands ensembles avec environ également 6 000 habitants (2018)10 et un campus universitaire plus de 10 000 étudiants (Bourigault et Davodeau, 2019), comprenant les facultés des Lettres, des Sciences, l'IUT, l'ESSCA (École Supérieure des Sciences Commerciales d'Angers), l'ISTOM (École supérieure d'agro-développement international) et autres écoles. En rénovation depuis le début du 21e siècle, ce quartier possède depuis 2018 un réseau de chaleur à biomasse : la chaufferie de Belle-Beille installée rue Alexandre Fleming, en plein campus universitaire.
La chaufferie de Belle-Beille
Source : Giffon, ESO, 2023
5Le réseau de chaleur de la chaufferie de Belle-Beille s’étend sur un peu plus de 18 km. Il dessert 79 sous-stations (stations d’échange de chaleur), principalement pour les bâtiments d’enseignement supérieurs et du CROUS (Restaurant Universitaire et résidences étudiantes) puis plus largement étendu aux résidences collectives du quartier : 1 100 logements collectifs sont actuellement raccordés, puis 200 supplémentaires bénéficieront de cette énergie bois11.
Le réseau de distribution de chaleur de la chaufferie de Belle-Beille en 2021
Carte : Marie-Alix Bodhuin
Les lieux cités sur la carte sont les établissements publics bénéficiant du chauffage urbain de la chaufferie de Belle-Beille
6La distribution de chaleur de la chaufferie de Belle-Beille est principalement envoyée vers des bâtiments d’enseignement supérieur (42%), d'habitat collectif (25%), d’équipements publics (22%) et de bâtiments tertiaires (11%)12.
En arrière-plan de la chaufferie urbaine, un territoire bien plus large
7Au-delà de la simple insertion d’une chaufferie collective dans une ville et de son utilité, la provenance de la ressource et son mode d’exploitation dessinent un vaste territoire. Selon les recommandations de l’ADEME, la ressource en bois doit provenir d’un périmètre de moins de 100 km de la chaufferie. La chaufferie de Belle-Beille a 4 fournisseurs de bois. Parmi ces fournisseurs, la SCIC MLBE (Société Coopérative d’Intérêt Collectif, Maine et Loire Bois Energie) s’alimente principalement en bois bocager auprès des exploitants agricoles locaux (majoritairement Maine-et-Loire pour l’année de chauffe 2021-2022).
Provenance et tonnage de bois prélevé et envoyé à la chaufferie de Belle-Beille par le SCIC MLBE pour l'année de chauffe 2021-2022
Carte : Marie-Alix Bodhuin
SCIC MLBE : Société Coopérative d’Intérêt Collectif - Maine et Loire Bois Energie
8Bien que le Maine-et-Loire soit un département peu boisé par rapport à la moyenne nationale (13 % contre 30 % en moyenne13), la ressource bocagère ne manque pas, notamment à l’ouest du département. L’utilisation de cette ressource, en plus d’être locale, permet le maintien du bocage angevin. Cette nouvelle demande tend à freiner sa dégradation, causée par les remembrements, la disparition progressive des foyers ouverts chez les exploitants et l’arrivée du chauffage centralisé. Ainsi les haies bocagères, qui n’étaient plus entretenues régulièrement retrouvent un nouvel intérêt. Alors que leur entretien était devenu une contrainte pour les exploitants agricoles (le temps et l’argent à y consacrer), la SCIC MLBE, et plus largement les SCIC bois-énergie sur le territoire (1 par département), cherchent à accompagner les exploitants agricoles vers une gestion durable de ces linéaires en leur proposant une ressource économique supplémentaire.
9Le responsable de la filière bois énergie à la SCIC MLBE définit ainsi le rôle de la SCIC : « Les installations de chaufferies à bois, vu le contexte, sont en train de se développer. Il faut aussi faire attention à l’exploitation de la ressource. On est là pour assurer une pérennité de la trame bocagère en trouvant une valorisation. On n’est pas là comme un exploitant. Moi je ne me qualifie pas, et je ne qualifie pas la SCIC MLBE comme une structure d’exploitation bocagère autant au niveau des exploitants forestiers, on est plutôt sur de la valorisation de ressources ». Pour l’année 2021-2022, la SCIC est allée chercher son bois principalement à l’ouest du département. Parmi les communes concernées, une seule est située hors du département (Luché-Pringé, Département de la Sarthe). Les autres sont dans un périmètre bien inférieur à la limite des 100 km recommandée par l’ADEME.
En conclusion
10Pour conclure, soulignons que le développement des énergies renouvelables, et plus particulièrement des chaufferies biomasse collectives pose de nouveaux enjeux d’aménagement. A l’échelle du quartier et de la ville, se pose la question de l’insertion paysagère de la chaufferie, de son accessibilité pour les camions, et des nuisances pour les riverains (circulation, fumées).
Bilan des effets de la chaufferie de Belle-Beille sur les éléments du territoire
Carte : Marie-Alix Bodhuin
Aspects positifs, négatifs et neutres de la chaufferie
11A l’échelle du département voire de la région, les enjeux sont ceux de l’accessibilité aux camions également, de l’entretien du bocage et de l’exploitation forestière. Il existe en effet un risque non négligeable sur l’accès à la ressource en cas d’abus ou de modes de gestion mal contrôlés. Aussi pour répondre à l’objectif de produire de l’énergie sans dépendre des énergies fossiles et sans impacter négativement les forêts ou le bocage du Maine-et-Loire, il est essentiel de prendre en compte de nombreux paramètres, depuis la rénovation des bâtiments pour limiter les pertes énergétiques jusqu’aux aux prévisions de l’état de santé des bois en France (sécheresses, feux, ravageurs tels que les scolytes).
Notes
1 Angers Loire Métropole, « Notre cap : tenir nos engagements », 26/09/22.
2 Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), d'août 2015.
3 Ministère de la Transition écologique, Chiffres clés de l’énergie édition 2021.
4 Ministère de la transition écologique, Conjoncture énergétique, deuxième semestre 2022, 08/2022.
5 Louis Boy, France info, Crise de l'énergie : six questions pour comprendre pourquoi l'électricité et le gaz sont devenus si chers, 06/09/22.
6 Fibois Pays de la Loire, La filière bois, le bois énergie, 19/01/21.
7 ALTER-Anjou Loire Territoire, Fiche de synthèse sur la chaufferie de Belle-Beille.
8 Moyenne pour 4 chaufferies d’Angers : Belle-Beille, Ecouflant, La Roseraie et Monplaisir.
9 Voir en ligne le projet de quartier de Belle-Beille de la mairie d'Angers.
11 Voir en ligne Un réseau de chaleur urbain à Belle-Beille.
12 Voir vidéo de l'ADEME à ce sujet-septembre 2022. Consulté le 17 mars 2023.
Pour citer ce document
Marie-Alix Bodhuin, 2023 : « Les chaufferies collectives à biomasse dans leurs territoires, étude de cas dans le quartier de Belle-Beille », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 30/03/2023, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1052, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1052.
Autres planches in : Aménagement, urbanisme, logement et habitat
Bibliographie
BOURIGAULT Morgane et DAVODEAU Hervé, Une collaboration pédagogique autour des paysages de la rénovation verte du grand Belle-Beille (Angers). Idées et Territoires, La Revue. Numéro 3. p.4-11, 2019. https://institut-agro-rennes-angers.hal.science/hal-02498068
Mots-clefs
- Transition écologique
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Index géographique
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Glossaire
- QPPV
Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont des territoires d'intervention du ministère de la Ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Leur liste et leurs contours sont élaborés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) selon un critère unique, celui du revenu par habitants. Les fichiers géographiques sont téléchargeables sur ce site : https://sig.ville.gouv.fr/atlas/QP
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Résumé
À Angers, ville qui se positionne comme vitrine pour les questions environnementales, il existe 5 chaufferies à bois collectives qui permettent de créer un maillage de distribution de chaleur. Aujourd’hui, si cette production peut répondre à une crise énergétique majeure, l’extraction de bois, sa combustion ou la qualité de l’air peuvent parfois inquiéter les citoyens et provoquer des débats. Par ailleurs, même si les politiques locales et l’ADEME recommandent l’installation de chaufferies à biomasse, les questions de la « décarbonation » de l’énergie (transport, fumée, analyse du cycle de vie du bois…) et de sa réelle participation à la « transition écologique » (impact sur le paysage bocager, nuisance due aux transports, limite de production forestière) peuvent se poser.
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