Atlas Social d'Angers

Le dessous des cartes de la douceur angevine

Les habitants des quartiers prioritaires d’Angers sont-ils plus vulnérables face au risque de canicule ?

par Boris Mericskay, Sacha Levasseur, Thomas Lemoigne, Aurel Ohier, Gurwan Le Meur et Tyssame Rebai

planche publiée le 10 juillet 2025

Angers, comme de nombreuses villes françaises, est de plus en plus exposée aux vagues de chaleur liées au changement climatique. Cette planche explore le risque de canicule à l’échelle de la commune, en mettant particulièrement l’accent sur les Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPPV), souvent plus vulnérables face à ce phénomène. Elle vise à identifier à travers l’analyse de données multi sources les disparités territoriales en matière d’exposition et de vulnérabilité.

Contexte

1À Angers, ville en pleine mutation, les inégalités sociales et territoriales s'invitent dans le débat sur l’adaptation aux fortes chaleurs. Les habitants des quartiers prioritaires (QPPV), souvent confrontés à des conditions de vie plus précaires, sont-ils également plus exposés aux effets délétères de la canicule ? Cette interrogation soulève des enjeux à la fois sociaux, environnementaux et urbanistiques, dans une perspective de justice climatique (Allagnat et Molina, 2024). C’est dans ce contexte qu’intervient le programme Labo Quartiers en transitions, lancé en 2023 par RésO-Villes, qui a mandaté les étudiants de première année du Master en géomatique SIGAT de l’université Rennes 2 pour mener une analyse sur cette problématique dont les principaux résultats sont présentés dans cette planche.

Méthodologie générale

2La méthodologie adoptée pour cette étude exploratoire repose sur une approche intégrée autour de l’aléa de canicule, qui correspond à l’intensité et à la fréquence des vagues de chaleur sur un territoire. Cet aléa est mis en relation avec deux grands axes d’analyse : la vulnérabilité socio-économique des populations et l’accessibilité aux lieux de fraîcheur, afin de mieux cerner les enjeux d’exposition et de résilience (figure 1).

Figure 1. Cadre globale de réflexion de l’analyse

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

3Le croisement d’un ensemble de données géographiques et statistiques a permis de produire trois indicateurs distincts mais complémentaires portant sur l'aléa physique des canicules, la vulnérabilité socio-économique des populations, ainsi que l'accessibilité aux espaces de fraîcheur (figure 2). Ces indicateurs ont ensuite été regroupés dans une analyse multicritères afin de produire un diagnostic territorial précis et factuel, permettant d’apporter un nouveau regard sur cette problématique complexe (Previl et al., 2003).

Figure 2. Les trois indicateurs de l’étude

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

Indicateur de température au sol en évènement caniculaire

4L’étude de l’aléa caniculaire s’est concentrée sur la date du 18 juillet 2022, caractérisée par un épisode de chaleur intense. L’analyse des températures de surface mesurées à cette date à partir des données satellitaires Landsat 91 révèle une hétérogénéité thermique marquée au sein de la ville d’Angers, avec des valeurs comprises entre 25°C et 45°C (figure 3). Les zones les plus chaudes correspondent majoritairement aux secteurs fortement urbanisés et aux zones commerciales. À l’inverse, les températures sont significativement plus modérées à proximité des cours d’eau (Loire, Maine et Mayenne), ainsi qu’autour de plans d’eau tels que le Lac de Maine et l’Étang Saint-Nicolas. Concernant les QPV, il ressort que les températures ne sont pas plus élevées dans ces quartiers qu’ailleurs au sein de la ville. Cela s’explique en partie par une morphologie urbaine certes dense mais espacée, la présence de végétation et un effet de ventilation naturelle.

Figure 3. Carte de températures au sol à Angers le 18 juillet 2022

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

Indicateur de Vulnérabilité socio-économique

5La vulnérabilité socio-économique mesure la sensibilité des populations face aux effets de la canicule en croisant plusieurs facteurs sociaux et sanitaires. Afin de créer cet indicateur, les données carroyées de l’INSEE, les fichiers locaux sociaux et fiscaux (FILOSOFI) regroupant des informations sur la situation socio-économique en 2019 de la population à l’échelle de carreaux de 200 mètres de côté ont été utilisées. Cinq critères ont été retenus (figure 4) : la part de jeunes enfants (0-5 ans), de personnes âgées, de ménages pauvres, la densité dans les logements (m² disponibles par personne), et la part de maisons individuelles (généralement mieux adaptées à la chaleur). Chaque critère a été transformé en score de 1 à 5 selon son intensité, puis agrégé pour produire un score global de vulnérabilité par zone. Une pondération plus forte a été appliquée au critère de pauvreté, considérée comme un facteur aggravant majeur.

Figure 4. Variables utilisées pour construire l’indicateur de vulnérabilité sociale

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

6Il ressort de cette analyse que les zones les plus vulnérables sont localisées de manière protéiforme sur le territoire, notamment dans le centre-ville et les quartiers historiques (figure 5). Les QPPV apparaissent également très vulnérables au risque canicule d’un point de vue socio-économique dans la mesure où ils concentrent des populations fragiles (jeunes enfants, personnes âgés) et offrent des conditions de vie peu adaptées à cette contrainte (appartements, forte densité de logements).

Figure 5. Carte d’Angers de l’indicateur de vulnérabilité sociale

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

Indicateur d’accessibilité aux lieux de fraicheur

7Pour compléter l’analyse, les lieux susceptibles d’offrir un refuge face à la chaleur ont été pris en compte (parcs, forêts, plans d’eau, bibliothèques, lieux de culte, centres commerciaux, piscines ou encore équipements publics). Ces espaces ont été classés selon leur capacité perçue à rafraîchir, et notés de manière graduée, en tenant compte de leur accessibilité gratuite (figure 6).

Figure 6. Données utilisées et scores pour la production de l’indicateur d’accessibilité aux lieux de fraicheur

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

8À partir de données issues d’OpenStreetMap et de l’IGN, des zones d’accessibilité de 600 mètrers ont été créées autour de ces lieux, soit environ 10 minutes à pied. L’ensemble de ces informations a permis de produire un indicateur synthétique d’accessibilité aux lieux de fraîcheur. Ce score reflète la capacité des habitants à accéder facilement à des espaces frais en cas de canicule, un élément essentiel pour guider les politiques locales d’adaptation climatique. L’analyse met en évidence de fortes disparités spatiales au sein de la ville d’Angers (figure 7). Certains quartiers disposent d’un grand nombre de refuges contre la chaleur, tandis que d’autres se situent à l’écart de tout lieu de fraîcheur, exposant davantage leurs habitants aux risques liés aux fortes chaleurs. Cette inégalité d’accès est particulièrement marquée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV), qui, dans leur grande majorité, apparaissent comme les moins bien pourvus, sauf pour le quartier de Belle-Beille bénéficiant d’une situation favorable entre l’étang Saint-Nicolas et le Lac de Maine.

Figure 7. Carte d’Angers de l’indicateur d’accessibilité aux lieux de fraicheurs

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

Vers un indicateur hybride pour croiser les vulnérabilités

9Le croisement des indicateurs de vulnérabilité socio-économique et d’accessibilité aux lieux de fraîcheur permet d’identifier les zones où les habitants cumulent fragilités sociales et difficulté d’accès à des espaces rafraîchissants. Pour cela, chaque carreau du territoire a été classé selon que ses scores se situent au-dessus ou en dessous de la médiane de chaque indicateur. Cela permet de définir quatre profils : les zones favorisées sur les deux plans, celles en difficulté sur un seul plan, et les zones cumulant les deux vulnérabilités (figure 8). Ce croisement permet une lecture synthétique mais puissante du territoire, en repérant les secteurs où les efforts d’adaptation doivent être les plus urgents. Bien que la méthode repose sur un seuil statistique (la médiane), qui peut masquer certaines nuances, elle offre une base concrète pour guider les actions locales face au risque caniculaire.

Figure 8. Carte d’Angers croisant indicateur de vulnérabilité sociale et indicateur d’accessibilité aux lieux de fraicheurs

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

10Une fois encore, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ne présentent pas une situation homogène dans ce croisement d’indicateurs, les réalités varient sensiblement d’un quartier à l’autre. Si une vulnérabilité globale se dégage, certains QPV disposent néanmoins d’un accès relativement satisfaisant à des espaces frais. Ce constat souligne l'importance d'adopter une approche différenciée dans les politiques publiques. L’adaptation de ces territoires particulièrement sensibles aux effets du changement climatique ne peut reposer sur des réponses uniformes ; elle nécessite, au contraire, des actions ciblées, construites à partir des spécificités locales et des besoins propres à chaque quartier.

Figure 9. Tableau récapitulatif des indicateurs de cette analyse, par QPPV

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Réalisation : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Atlas Social d'Angers, Université d’Angers-CNRS, 2025.

En conclusion

11Il convient de souligner que ce travail, réalisé par les étudiants du Master SIGAT, a permis de poser des bases méthodologiques solides pour une évaluation fine de l’exposition des QPPV au risque caniculaire (Steindorsson, 2024). Il a d’ailleurs été largement mobilisé par Reso-Villes dans le cadre du développement d’Adapt’Canicules, un outil en ligne de sensibilisation et de pré-diagnostic conçu pour accompagner les acteurs locaux dans l’adaptation de leurs territoires au changement climatique. Ce projet illustre ainsi la contribution concrète de la recherche universitaire aux enjeux opérationnels de résilience urbaine.

Notes

1 Les données utilisées pour l’analyse de l’aléa caniculaire proviennent du satellite Landsat 9 de la NASA. Ces données présentent plusieurs avantages : elles sont librement accessibles à l’échelle mondiale et offrent une résolution spatiale particulièrement fine pour des mesures thermiques (30 mètres). Les images multi-spectrales fournies permettent, à l’aide d’un logiciel de système d’information géographique (SIG), de réaliser des analyses précises de la température des sols.

Pour citer ce document

Boris Mericskay, Sacha Levasseur, Thomas Lemoigne, Aurel Ohier, Gurwan Le Meur et Tyssame Rebai, 2025 : « Les habitants des quartiers prioritaires d’Angers sont-ils plus vulnérables face au risque de canicule ? », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 15/07/2025, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1286, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1286.

Bibliographie

ALLAGNAT M. et MOLINA G., 2024, Les périodes de fortes chaleurs en périphérie urbaine de Lyon. Récits sur les inégalités socio-environnementales et l’action publique. Revue française des affaires sociales (1), 185-206. https://doi.org/10.3917/rfas.241.0185

PREVIL C., THERIAULT M. et ROUFFIGNAT J., 2003, Analyse multicritère et SIG pour faciliter la concertation en aménagement du territoire : vers une amélioration du processus décisionnel ? Cahiers de géographie du Québec, 47(130), 35-61. https://doi.org/10.7202/007968ar

STEINDORSSON M., 2024, La politique de la ville à l’heure de la smart city. Les Cahiers du Développement Social Urbain, 80(2), 24-25. https://doi.org/10.3917/cdsu.080.0024

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Résumé

Angers, comme de nombreuses villes françaises, est de plus en plus exposée aux vagues de chaleur liées au changement climatique. Cette planche explore le risque de canicule à l’échelle de la commune, en mettant particulièrement l’accent sur les Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPPV), souvent plus vulnérables face à ce phénomène. Elle vise à identifier à travers l’analyse de données multi sources les disparités territoriales en matière d’exposition et de vulnérabilité.

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