Atlas Social d'Angers

Le dessous des cartes de la douceur angevine

La densité de population par bâtiment à Angers : un révélateur des inégalités sociales de la ville

par Tanguy Poirier et Quentin Brouard-Sala

planche publiée le 25 août 2025

À partir des données des Îlots Regroupés pour l’Information Statistique (IRIS) de l’INSEE, en 2020, et de la BD TOPO de l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN), il est possible de calculer le nombre d’habitants par bâtiment dans la ville d’Angers. Ces calculs à l’échelle du bâtiment permettent de cartographier la densité de population à une échelle fine. Nous proposons une typologie en fonction du nombre d’habitants dans chaque bâtiment et de la surface habitable en mètres carré.

Contexte

1A partir des données sur la population et les bâtiments à une échelle fine, il est possible de poser un nouveau regard sur la densité de population et sa géographie sociale à l’échelle de la ville d’Angers. Grâce à la notion de densité, nous nous intéressons à l’intensité d’un phénomène, entre un indicateur statistique : le nombre d’habitants et une surface (la surface habitable en mètre carré). A l’échelle intra-urbaine, on parle de densité urbaine.

2A l’échelle de la ville d’Angers et ses 157 555 résidents1 en 2022, on compte une densité moyenne d’environ 3 500 habitants/km². Ces habitants se répartissent dans environ 84 000 résidences principales, avec en moyenne environ 3 pièces pour 1,81 personnes2. Au-delà de ces moyennes, des disparités importantes existent. D’abord, les ménages vivent majoritairement seuls (55%). Les ménages de plus d’une personne se répartissent entre les couples sans enfant (18%), les couples avec enfants (14%) et les familles monoparentales (9%). Par rapport au logement, 25% des résidences principales ont 3 pièces, quand 35% ont moins de pièces et 40% en ont plus. Mais la répartition des ménages n’est pas uniforme au sein des logements. L’INSEE produit un indice de peuplement des résidences principales en fonction du nombre de pièces disponibles permettant de qualifier des logements en « occupation normale », « suroccupation » ou « sous-occupation »3. A Angers en 2022, 30% des logements sont en « occupation normale », 16,5% en suroccupation et presque 55% en sous-occupation ». Nous proposons ici d’aller plus loin que ces données en questionnant la géographie sociale de la ville et sa densité urbaine à partir du rapport entre la surface habitable et le nombre d’habitants par bâtiment.

Une géographie différenciée de la ville : quartiers centraux VS quartiers périphériques

La population d'Angers à l'échelle des bâtiments

Image

Sources : INSEE, 2022. Conception : Poirier T., 2025. Crédits : : MASTER SIGAT, Université Rennes 2. Voir Méthode en annexe. Atlas Social d'Angers, ESO-Angers-Université d’Angers-CNRS, 2025.

La carte présente deux informations : le nombre d’habitants par bâtiment (taille des cercles) et le rapport entre la surface habitable et le nombre d’habitants par bâtiment (couleur des cercles : violet=faible densité et orange=forte densité).

3La première lecture de la carte montre surtout une opposition entre les quartiers centraux de la ville (1. Centre-ville 2. La Doutre 3. Saint-Serge 4. La Fayette) et les quartiers périphériques (5. Roseraie 6. Monplaisir 7. Belle-Beille). Dans les quartiers centraux, les densités d’habitants par bâtiment sont très faibles (en violet) et le nombre d’habitants par bâtiment peu élevé. Nous retrouvons ici la géographie des étudiants tendant à occuper fortement le centre-ville dans des petites locations privées ou publiques4. La petitesse des logements provoque aussi l’occupation d’autres ménages seuls comme des jeunes plus largement ou alors des personnes âgées.

4A l’inverse, les plus fortes densités d’habitants par bâtiment et en fonction de la surface habitable se situent en périphérie. Cette corrélation est à mettre en lien avec les quartiers dits « Politique de la ville » ou QPPV. Des bâtiments plus grands s’y situent notamment des barres et des tours HLM. Dans la planche sur la pauvreté, nous avons pu y voir plus grande part des familles monoparentales, ainsi que des ménages de plus de 5 individus, malgré des logements de taille moyenne (environ 3 pièces). En première lecture, une opposition apparaît donc entre le centre-ville qui a une densité plus faible d’habitants par bâtiment avec de plus petits logements alors que les quartiers périphériques ont des densités plus fortes d’habitants par bâtiment et des bâtiments plus peuplés.

Des politiques publiques qui n’infléchissent pas les densités d’habitants en fonction de la surface habitable

5Depuis plus de 20 ans, des politiques publiques d’aménagements sont menées à Angers pour en assurer son renouvellement urbain dans les quartiers périphériques (quartiers de La Roseraie, Monplaisir, Belle-Beille)5. Ces opérations visent à remodeler ces quartiers pour redonner l’envie d’y habiter et favoriser la mixité sociale par de la réhabilitation/rénovation/destruction/construction de logements. Ainsi ce sont 1 000 logements détruits dans la Roseraie6, 400 logements à Monplaisir7, 600 à Belle-Beille8 et 350 au Deux Croix-Banchais (Grand-Pigeon) ces dernières années9. L’objectif de ces politiques est de dédensifier ces quartiers populaires en diversifiant les types d’habitats présents pour favoriser une plus grande mixité sociale. Pourtant, des densités toujours aussi fortes sont présentes et dépassent toujours celles des autres quartiers malgré des reconstructions vues comme moins denses. Par rapport à la mixité sociale, les effets diffèrent selon les quartiers. Les quartiers proches des universités (Belle-Beille, Monplaisir) semblent connaître une diversification sociale plus importante que ceux plus éloignés (La Roseraie). Une hypothèse pourrait alors être émise que les destructions opérées dans les quartiers de Belle-Beille et Monplaisir n’ont pas forcément permis le relogement de certaines familles qui sont venues être hébergées dans la Roseraie, accentuant les effets de pauvreté et de densité par bâtiment dans ce quartier.

6Dans les quartiers centraux, la mairie appelle depuis 2014 à des opérations emblématiques de densification. C’est le cas notamment le long des berges de la Maine (voir les projets récents Arborescence de 202410 et Métamorphose11 de 2025, par exemple). Pourtant, ces grands logements ne viennent pas augmenter la densité de population en fonction de la surface habitable : au contraire même. En effet, les grands logements, mêmes s’ils offrent une densité plus importante de logement au sol, sont principalement occupés par des ménages d’un ou 2 individus. Ainsi, cela ne vient pas remettre en cause la densité de population en fonction de la surface habitable.

En conclusion

7Les densités d’habitants en fonction de la surface habitable montrent des inégalités dans la géographie sociale de la ville. En effet, ce sont les quartiers les plus pauvres avec les ménages composés de plus d’individus où se concentrent les densités les plus fortes de population. A l’inverse, dans les quartiers avec moins de pauvreté, notamment centraux, les surfaces habitables par personne sont plus importantes. Les politiques de densification dans le centre et de dédensification dans les quartiers périphériques, n’infléchissent pas ces données. Ainsi agir sur « l’espace comme remède à la question sociale » (Bellanger, 2018) ne semble fonctionner ni dans les quartiers centraux ni en périphérie. Finalement, la « douceur angevine » semble plus difficile dans les quartiers périphériques plus denses et plus pauvres. Suite à la COVID et aux confinements, le manque de surface habitable et d’espaces extérieurs est pourtant pointé du doigt comme l’une des priorités pour les français.

Notes

1 Voir le dossier complet de la ville d'Angers en ligne sur le site de l’INSEE.

2 En 2022, la taille moyenne des ménages est de 2,15 personnes par résidence principale en France métropolitaine (INSEE)..

3 Voir définition de l'Indice de peuplement des logements de l’INSEE.

4 Voir dans l'Atlas social d'Angers l'analyse sur le logement des étudiants, en ligne.

5 Voir sur le site de la mairie d'Angers, en ligne.

6 Voir sur le site d'ALTER, l'Entreprise Publique Locale Anjou-Loire-Territoire, en ligne.

7 Voir sur le site de la mairie d'Angers, en ligne.

8 Ouest France du 15 janvier 2025, Dans les coulisses de la démolition des HLM de ce quartier d'Angers, en ligne.

9 Voir sur le site d'ALTER, en ligne.

10 Voir sur le site d'ALTER, en ligne.

11 Voir sur le site d'ALTER, en ligne.

Pour citer ce document

Tanguy Poirier et Quentin Brouard-Sala, 2025 : « La densité de population par bâtiment à Angers : un révélateur des inégalités sociales de la ville », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 25/08/2025, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1299, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1299.

Autres planches in : Aménagement, urbanisme, logement et habitat

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Bibliographie

BELLANGER E. et al, 2023, Rénovation urbaine : L’espace comme remède à la question sociale ?, Métropolitiques, consulté le 15/09/2023. Voir en ligne

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Glossaire

Tanguy Poirier

Diplômé d'un Master en Géographie mention Géomatique, Université Rennes 2 en 2025

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Résumé

À partir des données des Îlots Regroupés pour l’Information Statistique (IRIS) de l’INSEE, en 2020, et de la BD TOPO de l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN), il est possible de calculer le nombre d’habitants par bâtiment dans la ville d’Angers. Ces calculs à l’échelle du bâtiment permettent de cartographier la densité de population à une échelle fine. Nous proposons une typologie en fonction du nombre d’habitants dans chaque bâtiment et de la surface habitable en mètres carré.

Annexes (1)

Note méthodologique

Estimation spatialisée de la population résidentielle à Angers

  1. Données mobilisées : Bâtiments extraits de la BDTOPO, les entités géographiques ont été filtrées pour ne conserver que les bâtiments résidentiels ou à usage mixte susceptibles de contenir des logements. Population : données IRIS de l’Insee (millésime 2020).
  2. Méthode de ventilation de la population. L’objectif est d’estimer la population par bâtiment, en la distribuant proportionnellement à la surface de plancher estimée.
    2.1. Calcul de la surface de plancher. Pour chaque bâtiment :
    • Si le nombre d’étages est connu, la surface de plancher est obtenue en multipliant la surface au sol (issue de la géométrie) par ce nombre.
    • Si seule la hauteur du bâtiment est renseignée, celle-ci est divisée par 3 mètres (valeur moyenne d’un étage) et arrondie à l’unité pour obtenir une approximation du nombre d’étages.

    2.2. Répartition de la population. À l’échelle de chaque IRIS, la population est ventilée proportionnellement à la surface de plancher de chaque bâtiment résidentiel selon la formule suivante : (surface plancher de l'IRIS / population de l’IRIS) × surface plancher du bâtiment
    Cette méthode repose sur l’hypothèse d’une densité résidentielle homogène au sein de chaque IRIS, ce qui constitue une simplification mais permet une estimation plus fine que l’usage exclusif des agrégats statistiques.
  3. Variable additionnelle : densité du bâtiment (résidu de régression). Afin de compléter l’analyse spatiale, une variable additionnelle de densité résidentielle a été calculée à partir des résidus d’un modèle de régression linéaire entre le nombre d’habitants estimés et la surface de plancher des bâtiments.
    La distribution des résidus a été discrétisée en 5 classes selon la répartition des individus  :
    • 0% à 1% : très forte densité (résidu fortement positif)
    • 1% à 5% : forte densité
    • 5% à 95% : densité moyenne
    • 95% à 99% : faible densité
    • 99 à 100% : très faible densité (résidu fortement négatif)
    Ce classement permet de cartographier les formes résidentielles contrastées d’Angers, en identifiant des poches de densité surreprésentée (grands ensembles, cœur de ville compact) ou au contraire des zones très peu denses (zones pavillonnaires périphériques, grands logements sur de petites emprises).
  4. Limites et précautions.
    Plusieurs limites doivent être soulignées :
    • Décalage des millésimes : les données de population (2020) et de bâti (variable selon l’actualisation de la BDTOPO) peuvent ne pas être totalement synchronisées
    • Qualité de la qualification des bâtiments : les colonnes « USAGE1 » et « USAGE2 » ne sont pas toujours renseignées de manière fiable
    • Hypothèse d’homogénéité intra-IRIS : l’hypothèse d’une répartition proportionnelle de la population à la surface plancher ne tient pas compte de la diversité des types d’occupation (familles nombreuses, logements vacants, logements sociaux ou étudiants, etc.)

Méthode développée par Boris Mericskay et réalisée dans le cadre des cours du Master SIGAT par Tanguy Poirier.

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