Être étudiant-e à Angers et se loger (2/2)
Évolution des situations résidentielles depuis 15 ans
par Jaoven Launay

Dans cet article nous nous appuierons essentiellement sur les données issues des trois Enquêtes Vie Etudiante (EVE) : EVE 1 (2008-2009), EVE 2 (2011-2012) et EVE 3 (2022-2023). Nous avons fait le choix d’exclure des échantillons mobilisés l’ensemble des répondant-es inscrit-e-s sur les sites délocalisés de l’UA (Cholet, Saumur, Les Sables-d’Olonne) afin de nous concentrer sur la situation résidentielle des étudiant-es angevin-es.
Table des matières
Dans un contexte de forte tension du marché immobilier à Angers (voir planche sur la nouvelle géographie résidentielle des étudiant-es), quelles options s’offrent aux étudiant-es ? Dans quelle mesure le recours à l’offre de résidences étudiantes privées ou à la colocation constitue, ou non, des issues pour celles et ceux qui risqueraient sinon de rester au pas de la porte ?
Des formules résidentielles en reconfiguration
1Le cycle des trois enquêtes « vie étudiante » EVE (EVE 2008-2009, EVE 2011-2012 et EVE 2022-2023) a mis en lumière plusieurs évolutions quant aux formules résidentielles et types d’habitats des étudiant-es ces quinze dernières années. Si les deux principaux types d’habitats restent toujours aujourd’hui la location seul-e et la cohabitation avec les parents, il faut noter que ces derniers concernent de moins en moins d’étudiant-es. En effet, en l’espace de quinze ans, les recours aux résidences étudiantes et à la colocation ont connu une certaine accélération.
Sources : Angers-Loire-Métropole, 2024. EVE 2008-2009, EVE 2011-2012, EVE 2022-2023. Conception : Launay J., 2025. Crédits : ESO-Angers, Université d'Angers-CNRS, Atlas Social d'Angers, 2025.
Evolution des types de logements des étudiant-es enquêté-e-s par territoires (2008-09, 2011-12 et 2022-23)
Dans le centre-ville et le péricentre d’Angers la répartition des formules résidentielles est restée là-même : le principal type d’hébergement reste la location seul dans le parc privé (43 % des étudiant-es enquêté-e-s habitent en logement seul-e en 2008-09, 44 % en 2011-12 et 41 % en 2022-23). Il faut néanmoins noter une légère augmentation du côté des résidences étudiantes, liée à la construction de nouveaux hébergements collectifs destinés aux étudiant-es du côté du campus de Saint-Serge (Résidences privées Studéa, Fac Habitat, les Estudines et publiques René Rouchy et Madge Syers). Sur le quartier de Belle-Beille, nous pouvons remarquer que la concentration de résidences étudiantes est devenue de plus en plus significatives, puisque désormais 63 % des étudiant-es qui résident sur le quartier, le sont dans des logements du CROUS ou de résidences services. Dans les autres quartiers de la ville, il convient de souligner la pluralité de formules résidentielles de plus en plus marquées. Cela est notamment lié à la généralisation de colocations dans ces espaces. Enfin, dans les autres communes (première couronne, agglomération, etc.) la cohabitation avec les parents restent largement représentée, même s’il convient de souligner la baisse de ce type d’hébergement au profit du logement seul et de la colocation (jusqu'à 81 % des étudiant-es logeant chez leurs parents dans les autres communes de l'agglomération, en 2008-20211 et 2012-13 contre 65 % en 2022-23).
Le recours aux résidences étudiantes
2Le recours aux résidences étudiantes, publiques ou privées, est le résultat assez logique de l’arrivée de nouvelles résidences étudiantes sur le territoire. En effet, aujourd’hui si la grande majorité des étudiant-es qui habitent à Belle-Beille vivent dans ce type de résidence, c’est bien parce que celles-ci se sont largement déployées dans le quartier, à partir d’une offre de résidences services privées de plus en plus conséquente. Entre 2008 et aujourd’hui la répartition des étudiant-es qui habitent en résidences étudiantes et qui ont fait le choix du privé a explosé, passant de 4 % en 2008-009 à 27 % en 2022-23 (voir ci-dessous).
Sources : EVE 1, EVE 2, EVE 3. Conception : Launay J., 2025. Crédits : ESO-Angers, Université d'Angers-CNRS, Atlas Social d'Angers, 2025.
Pourcentage des étudiant-es habitant en résidences étudiantes selon le type de parc (privé ou public) entre 2008-09, 2011-12 et 2022-23
3Cette situation n’est pas très étonnante dès lors que l’on sait que pour 24 000 étudiant-es résidant-es à Angers (AURA, 2023), le CROUS ne propose que 2 500 lits. Cette dernière offre, bien que prochainement complétée par la livraison de 620 nouveaux logements en septembre 2025 (DAGUIER, 2024), ne suffirait même pas à répondre aux besoins des quelques 7 000 boursier-ières insrit-es à l’Université d’Angers (UA, 2023). Seulement, il faut préciser que si l’offre de logement par des organismes privés semble compenser les lacunes de l’offre publique, les tarifs proposés sont bien éloignés de ceux que l’on retrouve pour les chambres en CROUS. À titre d’exemple, pour un studio de 18 m2 les loyers vont varier entre 500 € et 600 € pour les résidences services, contre un prix s’élevant à 392 € (charges comprises) pour le CROUS, soit un écart de plus d’une centaine d’euros par mois.
Le recours à la colocation
4Mais lorsque le marché immobilier local est particulièrement tendu et onéreux (voir planche sur la géographie résidentielle étudiante), lorsque les places dans les logements CROUS manquent et lorsque les résidences services étudiantes ne sont pas accessibles financièrement, quelles sont les options pour les étudiant-es ? Tout d’abord, nous retrouvons une partie d’étudiant-es qui, en début d’étude, vont s’armer de patience et continuer de vivre par défaut chez leurs parents, à condition que le domicile de ces dernier-es soient à une distance raisonnable du lieu d’étude. Ensuite, il y a la situation d’étudiant-es, bien moins nombreux-ses1, qui ne vont avoir d’autres solutions que d’être hébergé-es à titre gracieux chez des amis, des connaissances ou d’autres membres de la famille. Enfin, et c’est probablement cette option qui s’est la plus généralisée ces dernières années : de plus en plus d’étudiant-es s’installent en colocation, avec notamment l’intention d’optimiser leurs frais. Parmi eux, 34 % affirmaient avoir choisi cette formule pour des raisons principalement financières contre 13 % de ceux qui résident seul et 16 % de ceux qui sont en résidence étudiante privée. À cette généralisation des colocations, il faut ajouter le changement de leur dimension. En 2008-09 et 2011-12 seulement 17 % des colocations comprenaient plus de trois colocataires contre 32 % aujourd’hui (voir ci-dessous).
Sources : EVE 1, EVE 2, EVE 3. Conception : Launay J., 2025. Crédits : ESO-Angers, Université d'Angers-CNRS, Atlas Social d'Angers, 2025.
Nombre de colocataires déclaré-es (en plus d’eux-mêmes) par les étudiant-es en colocation
5Si nous pouvons supposer que ce phénomène est lié à une stratégie pour répartir encore davantage les dépenses liées au logement, nous pouvons également faire l’hypothèse que cela est lié à une adaptation de l’offre immobilière locale avec un aménagement en colocation de maisons et d’appartements offrant plusieurs espaces. Cela semble particulièrement vrai dans les quartiers périphériques et dans les autres communes qu’Angers. En effet, ce sont dans ces espaces que la part de colocation a le plus progressé depuis 2008 : +14 pts pour les quartiers périphériques (Les Hauts-de-Saint-Aubin, Monplaisir, Deux-Croix-Banchais, Lac de Maine, La Roseraie) et +5 points pour les autres communes qu’Angers ; les colocations nombreuses y sont aussi les plus représentées. En 2022-2023, 40 % des colocations dans les quartiers périphériques et dans les autres communes qu’Angers sont des colocations de quatre personnes et plus. Bref, c’est le paysage immobilier tout entier qui semble s’être adapté à la demande croissante de logements, avec comme principaux vainqueurs les organismes et bailleurs privés.
Des conditions de logement en légère amélioration
6Mais une fois que le logement est trouvé, que celui-ci soit partagé avec des colocataires ou non et qu’il soit dans le parc privé ou public, qu’en est-il des conditions de logement ? Et surtout, est-ce que celles-ci se sont améliorées ? Depuis 2008, nous pouvons voir que les répondant-es ont tendance a légèrement mieux évalué la qualité de leur logement. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 16 % à qualifier leur logement de « moyenne » ou de « mauvaise » qualité, alors qu’ils étaient 18 % en 2011 et 20 % en 2008. Autre indice : les étudiant-es actuel-les souhaitent davantage rester dans le logement dans lequel ils vivent la semaine. En 2008-2009 et en 2011-2012 plus de quatre étudiant-es sur dix déclaraient vouloir changer de logement contre moins de trois étudiant-es sur dix aujourd’hui.
7Plusieurs pistes semblent expliquer cette amélioration des conditions de logement qui, soulignons-le, est caractéristique de la reconfiguration du paysage résidentiel sur le quartier de Belle-Beille (voir ci-dessous). Premièrement, le CROUS des Pays-de-la-Loire s’est engagé à partir du début des années 2000 à réhabiliter l’ensemble des logements en Cité U avec une réelle accélération cette dernière décennie (CROUS, 2022). Ainsi en 2008-09, si près de la moitié des étudiant-es jugeaient leur logement de « moyenne » ou de « mauvaise » qualité, ils sont aujourd’hui moins d’un étudiant-e sur quatre. Deuxièmement, la construction de résidences étudiantes privées à Belle-Beille, souvent jugées de meilleures qualités par les étudiant-es eux-mêmes2, a probablement joué un rôle sur la plus grande satisfaction du logement sur ce quartier. Troisièmement, et en dehors de la réhabilitation et de la construction de résidences étudiantes, le quartier tout entier est en rénovation depuis 2016. Aussi, c’est certainement dans le cadre de ce renouvellement urbain pour lequel quelques milliers de logements ont été détruits, construits et rénovés que les étudiant-es estiment là aussi être dans des logements de meilleure qualité.
Sources : EVE 1, EVE 2, EVE 3. Conception : Launay J., 2025. Crédits : ESO-Angers, Université d'Angers-CNRS, Atlas Social d'Angers, 2025.
Qualité du logement déclaré par les étudiant-es selon le lieu de résidence depuis 2008-2009
Centre-Ville et péricentre : Quartiers Centre Ville/La Fayette/Eblé, Doutre/Saint-Jacques/Nazareth et Saint-Serge/Ney/Chalouère. Quartiers périphériques : Deux-Croix/Banchais, Hauts de Saint-Aubin, Justices/Madeleine/Saint-Léonard, La Roseraie, Lac de Maine, Monplaisir. Autres communes : toutes les communes hors Angers.
En conclusion
8Si ces dernières années les conditions de logement des étudiant-es de l’Université d’Angers se sont légèrement améliorées, il convient pour terminer de rappeler que ce sont toujours les étudiant-es dont les parents ont les revenus les plus élevés qui sont les « mieux » logés. En 2022-23, 54 % des étudiant-es dont le premier parent perçoit un revenu de plus de 3 000 €/mois juge la qualité de son logement d’« excellente », contre 30 % pour celles et ceux sont le premier parent perçoit 1 500 € ou moins. Ainsi l’expérience résidentielle des étudiant-es restent encore largement déterminée par les ressources familiales. In fine, il fait « bon vivre » à Angers à condition de pouvoir se loger et à condition d’avoir un entourage familial qui dispose de moyens suffisants pour offrir un environnement résidentiel correct.
Notes
1 Cette situation est celle d’une quarantaine d’étudiant-es parmi les 1 100 interrogé-es en 2022-2023.
2 En 2022-2023, si un tiers des étudiant-es en résidences privées jugent la qualité de leur logement d’excellente, ils ne sont que 12 % parmi les étudiant-es en CROUS.
Pour citer ce document
Jaoven Launay, 2025 : « Être étudiant-e à Angers et se loger (2/2) », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 26/02/2025, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1244, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1244.
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Être étudiant-e à Angers et se loger (1/2)
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Autres planches in : Aménagement, urbanisme, logement et habitat
Bibliographie
AURA (Agence d'Urbanisme de la Région Angevine), 2023, Angers Ville Campus. Actualisation 2023 de l’étude : l’inscription territoriale et urbaine de l’enseignement supérieur recherche angevin, 72 p. https://www.aurangevine.org/production/publications/vue-detaillee/news/angers-ville-campus/
CROUS, 2022, Une politique de construction et de réhabilitation active, Crous Nantes Pays de la Loire. https://www.crous-nantes.fr/le-crous/des-projets-ambitieux/une-politique-de-construction-et-de-rehabilitation-active/
DAGUIER M., 2024, À Angers, plus de 600 logements étudiants en construction pour répondre à la demande, Ouest France du 25 octobre 2024. https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/a-angers-plus-de-600-logements-etudiants-en-construction-pour-repondre-a-la-demande-a33c3282-92d3-11ef-bba1-911d20d147e0
GAILLARD R. et REXAND-GALAIS F., 2017, La condition étudiante à l’épreuve du territoire, Presses Universitaires de Rennes, 376 p.
Université d'Angers, 2023, Panorama des inscriptions 2022-2023.
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