Les jardins urbains collectifs angevins (2/2)
Jardins partagés et autres usages à Angers
par Aude-Nuscia Taïbi et Sigrid Giffon
Table des matières
Les jardins urbains collectifs, de types variés à Angers (jardins familiaux, partagés, d’insertion, thérapeutiques, pédagogiques, vergers libre cueillette et fermes urbaines) font l’objet d’un fort engouement, avec une forte demande des habitant.e.s, un nombre croissant de création depuis les années 2000 et une diversification. Répartis sur tout le territoire communal, les objectifs alimentaires de ces jardins visent aujourd’hui aussi le renforcement du lien social et du sentiment d'appartenance et de l’appropriation de l’espace public par les habitant.e.s.
Remerciements
Cet article est une synthèse du travail de Master 1 ETTAP (Environnement, Territoires en Transition, Aménagement et Participation – Université d’Angers) de Benjamin Bréhéret qui a réalisé son stage au laboratoire de géographie ESO – Espaces et SOciétés Unité Mixte de Recherche CNRS 6590 en avril-juin 2023. Les auteur.e.s tiennent à remercier Thierry Boissinot, Président de la fédération des jardins familiaux angevins pour sa disponibilité, sa disponibilité et sa participation à la diffusion des questionnaires.
Définition
1Les jardins urbains collectifs présentent à Angers une grande diversité de formes. Aux jardins familiaux, autrefois appelés « jardins ouvriers » (voir la planche sur les jardins familiaux), dotés en France d'un statut légal depuis le milieu du XXe siècle et la loi du 26 juillet 1952, se sont ajoutés des « jardins partagés » et des « jardins d’insertion », puis des « jardins thérapeutiques », des « jardins pédagogiques », des « vergers libre cueillette » et des « fermes urbaines ». On peut définir tous ces jardins comme des espaces urbains collectifs, mis à disposition par les municipalités, ou sur des terrains privés, destinés à la production de denrées alimentaires (fruits, légumes et aromates) à destination de la consommation personnelle, à l’exclusion de tout usage commercial, à plus ou moins grande échelle et pour lesquels le lien social est fondamental.
Typologie des jardins collectifs urbains d’Angers
Source : AURA-Agence d’Urbanisme de la Région Angevine, modifié et adapté, 2021. Association Jardins familiaux 49. Crédits : Giffon, ESO-Angers, 2023.
Typologie des jardins urbains à Angers
2A Angers, la politique des jardins urbains collectifs, quel que soit leur type, est encouragée par la mairie. En 2023, Angers propose 78 jardins collectifs de tous types, auxquels il faut en ajouter 26 à l’échelle d’Angers Loire Métropole (liste non exhaustive) : 12 jardins familiaux (plus 19 autres à l’échelle d’Angers Loire métropole), 23 jardins partagés (6 en pieds d’immeubles, 10 en bacs et 7 en parcelles), 2 jardins d’insertion, 5 fermes urbaines, 5 jardins pédagogiques et 3 jardins thérapeutiques. Ils se répartissent sur l’ensemble de la ville et sur les communes limitrophes.
Les jardins urbains collectifs à Angers
Type | Ville d’Angers | Angers Loire Métropole (ALM) | Total | Remarques |
Jardins familiaux | 12 | 19 | 31 | Source : site internet de la mairie d'Angers. Liste non exhaustive pour ALM |
Jardins partagés en bac | 10 | 0 | 10 | Source : site internet de la mairie d'Angers. Liste non exhaustive pour ALM |
Jardins partagés en Pied d'immeuble | 6 | 2 | 8 | Source : site internet des mairie d'Angers et d'Avrillé. Liste non exhaustive pour ALM |
Jardins partagés en pleine terre | 7 | 1 | 8 | Source : site internet de la mairie d'Angers. Liste non exhaustive pour ALM |
Jardins d'insertion | 1 | 1 | 2 | Les jardins du cœur sont situés entre Angers et Trélazé |
Fermes urbaines | 5 | 0 | 5 | Pas d'information pour ALM |
Jardins pédagogiques | 5 | 1 | 6 | Liste non exhaustive |
Jardins thérapeutiques | 3 | 1 | 4 | Liste non exhaustive |
Vergers libre cueillette | 29 | 1 | 30 | Source : site internet de la mairie d'Angers. Données disponibles sur le site data.angers.fr. Liste non exhaustive pour ALM |
Total | 78 | 26 | 104 |
Carte interactive : Les jardins urbains collectifs à Angers Loire Métropole
https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/les-jardins-urbains-a-angers-loire-metropole_998279#14/47.4771/-0.5491Réalisation : Cette carte interactive est réalisée dans le cadre de l'Atlas social d'Angers, UMR ESO CNRS 6590 - Université d'Angers
Carte des jardins urbains collectifs d’Angers et ses communes limitrophes (non exhaustif)
Crédits : Giffon, ESO-Angers, 2023.
Les jardins partagés
3Les jardins partagés sont des « jardins créés ou animés collectivement, ayant pour objet de développer des liens sociaux de proximité par le biais d'activités sociales, culturelles ou éducatives et étant accessibles au public. » (Sénat, Loi sur les jardins collectifs, 14 octobre 2003). Ils sont mis à disposition des Angevins depuis 2003 par la ville d’Angers sur des parcelles collectives ou individuelles, en pieds d’immeubles ou dans des parcs et jardins ou squares publics, où ils peuvent être en libre cueillette. Les 6 jardins en pieds d’immeubles sont tous localisés dans des QPPV (Monplaisir, La Roseraie, Belle Beille et Deux-Croix Banchais). La gestion des parcelles cultivables en pied d’immeuble est confiée aux familles volontaires avec l’appui d’un animateur. C’est la Régie de Quartier qui anime depuis 2004 les jardins de pieds d’immeubles d’Angers.
Exemple de jardin partagé en pieds d’immeuble dans le quartier de Belle-Beille
Crédits : Giffon, ESO-Angers, 2023.
Le jardin partagé en pieds d’immeuble Le Petit Bonheur se trouve en plein cœur du quartier de Belle Beille. Il est destiné aux habitant.e.s des Tours Gaubert. L’animation est confiée à la Régie de quartier d'Angers.
4Ces jardins partagés sont proposés aujourd’hui dans d’autres quartiers, également pour créer du lien social, et favoriser un sentiment d'appartenance à leur quartier par les habitant.e.s et pour leur appropriation de l’espace public. C’est le cas par exemple des jardins partagés du Parc Desjardins (voir photos ci-dessous).
Série photographique des jardins partagés du Parc Desjardins, quartier Saint-Serge, actifs depuis 2022.
Crédits : Collectif Desjardins, 2023.
1. Le jardin partagé du Parc Desjardins est un jardin partagé d’habitant.e.s en pieds d’immeubles. Situé dans le quartier du centre urbain Desjardins, à Saint-Serge, il est composé de 3 bacs à jardinage utilisés par les habitant.e.s. Avec des échanges de graines et de pratiques, ce jardin partagé permet de créer du lien social dans ce nouveau quartier en cours d’aménagement, qui accueille de nombreux nouveaux habitant.e.s, notamment de jeunes familles.
2. Les jardins partagés du parc Desjardins sont ouverts et en libre accès. Tout un chacun.e peut faire des plantations et/ou utiliser les productions de ce jardin.
3. Les habitant.e.s du Parc Desjardins, inscrits sur une liste d’utilisateurs autogérée, se réunissent au moins une fois par semaine autour des composteurs également partagés. Ce système, mis en place par Angers Loire Métropole à la demande des habitant.e.s et en vue de la nouvelle législation sur la gestion des biodéchets de 2024, regroupe près de 90 foyers.
4. En plus des trois bacs à jardinage et des composteurs, les habitant.e.s ont demandé à la Mairie d’Angers d’installer un abri de jardin ainsi qu’une boite à livres, pour compléter ce lieu convivial. Ces aménagements permettent aux habitant.e.s du quartier Desjardins de se retrouver autour de nombreuses activités sociales printanières et estivales telles que la fête de la nature en mai, la fête de la musique en juin et plusieurs fêtes des voisins en juin et septembre.
5. Le groupe d’habitant.e.s, réunis en collectif, mène aussi des actions de valorisation et de communication telles que la participation au concours végétal organisé par la mairie et avec l’aide de la maison de quartier de la Place Ney, le Quart’Ney.
Des jardins urbains collectifs multi-usages
5Autre exemple de jardin partagé, multi objectif : le jardin partagé de la Passerelle, situé sur le campus universitaire de Belle-Beille. Il s’agit d’un jardin partagé à finalité pédagogique. Il a été créé en 2022 pour permettre aux étudiants et aux personnels du campus de Belle-Beille de produire et de récolter des fruits et légumes, mais également de créer un lien social entre les étudiants de différentes filières ou de différents cursus et de permettre de tester des travaux et projets d’étudiants (système d’irrigation pour des étudiants de Polytech, comptage biodiversité – insectes et micromammifères – pour les étudiants de biologie de la faculté des Sciences, etc). Il est composé de six bacs. Ici, différents tests de plantations (courges, aubergines, concombres…).
Un jardin partagé à finalité pédagogique : le jardin de la Passerelle (campus universitaire de Belle-Beille)
Crédit : Barbé M., 2023. https://blog.univ-angers.fr/jardinspasserelle/
« Etude en cours : les coupelles servent à attirer les insectes pollinisateurs, elles sont régulièrement relevées. Les pots au sol servent à faire l’inventaire des arthropodes rampants. Merci de ne pas toucher au dispositif. Evites de marcher sur la végétation autour ». Affichage sur le campus universitaire de Belle-Beille annonçant une étude en cours et demandant la prudence aux usagers.
Une politique municipale encadrée qui accompagne les habitant.e.s
6Jardins familiaux et jardins partagés font partie du Schéma Directeur des Paysages Angevins 2019-2025, qui fixe les bonnes règles à suivre pour que ces lieux fonctionnent collectivement. Les jardiniers sont accompagnés par les associations et la ville d’Angers pour favoriser des pratiques respectueuses de l’environnement avec la récupération des eaux de pluies pour l’arrosage, les techniques de travail du sol, le compostage des déchets verts, la sensibilisation aux méfaits des désherbages chimiques, la lutte biologique contre les ravageurs des cultures…
Extrait du schéma directeur des paysages Angevins de 2019
Sources : https://www.angers.fr/l-action-municipale/transition-ecologique-et-developpement-durable/schema-directeur-des-paysages/index.html : voir page 36
Autres formes de jardins urbains collectifs : vergers en libre cueillette, jardins thérapeutiques ...
7Proposés depuis fin 2018, les vergers en libre cueillette sont de nouveaux espaces de cueillette au sein de la ville d'Angers. Fin 2023, 32 espaces de libres cueillettes ont ainsi été plantés répartis sur l’ensemble des espaces publics de la ville. Plus de 100 arbres fruitiers, espèces majoritairement anciennes et locales, tels que pommiers, poiriers, pruniers, amandiers, noisetiers, cerisiers et abricotiers, sont plantés dans la ville et leurs fruits sont à destination des habitant.e.s et citoyen.e.s. Par ailleurs, les jardins pédagogiques, à but d’apprentissage, se localisent dans des écoles ou collèges par exemple, mais peuvent aussi prendre la forme de jardins partagés comme celui de la passerelle sur le site de Belle Beille de l’Université d’Angers. Enfin, les jardins thérapeutiques, comme ceux situés au CHU ou à la Clinique de l’Anjou, sont destinés aux personnes malades pouvant bénéficier d’un programme de médiation végétale. Il faut noter aussi la présence d’un jardin sensoriel destiné aux enfants autistes de l’Institut Médico-Éducatif la Chalouère.
Pour conclure
8A l’origine destinés à une production alimentaire de complément pour les familles d’ouvriers, les jardins collectifs urbains ont diversifié leurs fonctions, les dimensions du lien social et des loisirs ayant pris une place croissante. Cependant, les relations se nouant entre jardiniers dans les jardins collectifs à parcelles individuelles comme les jardins familiaux, restent sommaires, et ils ne constituent que des « espaces de sociabilité réduite » (AURA, 2016). C’est également le public qui s’est diversifié, les jardins familiaux et partagés attirant aussi des populations de classe moyenne et moyenne supérieure intéressées par une production de légumes et fruits bio et une consommation de produits plus sains. Ces jardins collectifs urbains sont désormais partie prenante des politiques d’aménagement du territoire à Angers. Cependant, cette reconnaissance et intégration de ces jardins ne suffit pas toujours à les protéger, et ne doit pas faire oublier qu’ils conservent toujours un caractère provisoire, soumis aux pressions foncières. Le déménagement des 147 parcelles du site des Chalets dans le cadre de travaux d’aménagement de la ZAC du Plateau des Capucins n’a ainsi pas été sans heurts en 2010. Les aménagements ne se font pas toujours sans difficulté, notamment lorsqu’ils impliquent le déplacement de parcelles.
Pour citer ce document
Aude-Nuscia Taïbi et Sigrid Giffon, 2024 : « Les jardins urbains collectifs angevins (2/2) », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 11/01/2024, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1172, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1172.
Autres planches in : Végétal, environnement et paysage
Bibliographie
AURA (Agence d'Urbanisme de la Région d'Angers), 2016, Angers ville gourmande. Quelques pratiques de l’agriculture urbaine, 36 p. https://www.aurangevine.org/fileadmin/user_upload/Production/Publications/Publications/Place_de_l_agriculture_en_ville.pdf
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Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont des territoires d'intervention du ministère de la Ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Leur liste et leurs contours sont élaborés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) selon un critère unique, celui du revenu par habitants. Les fichiers géographiques sont téléchargeables sur ce site : https://sig.ville.gouv.fr/atlas/QP
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Résumé
Les jardins urbains collectifs, de types variés à Angers (jardins familiaux, partagés, d’insertion, thérapeutiques, pédagogiques, vergers libre cueillette et fermes urbaines) font l’objet d’un fort engouement, avec une forte demande des habitant.e.s, un nombre croissant de création depuis les années 2000 et une diversification. Répartis sur tout le territoire communal, les objectifs alimentaires de ces jardins visent aujourd’hui aussi le renforcement du lien social et du sentiment d'appartenance et de l’appropriation de l’espace public par les habitant.e.s.
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