Quelle qualité de vie pour les Gens du Voyage sur le territoire angevin ? (2/2)
L'habitat des Gens du voyage à Angers : impensés et pratiques locales
par Samuel Delepine
Table des matières
La question du stationnement et surtout de l’habitat des Gens du Voyage ne se résume pas qu’aux aires d’accueil dédiées (voir planche sur les aires d’accueil). De plus en plus de familles achètent des terrains privés, ne voyagent qu’une partie de l’année ou bénéficient de programmes dits « d’habitat adapté ». Les contraintes sont nombreuses et posent à nouveau la question de la considération de ces familles comme des habitants à part entière des territoires où ils vivent.
Au-delà des aires d’accueil pour Gens de Voyage
1Le système des aires d’accueil pour les Gens du voyage instauré par la loi Besson de 1990 est-il dépassé ? C’est certainement en partie le cas même s’il reste incontournable pour le stationnement de nombreuses familles itinérantes. Il ne faut pas réduire les Gens du Voyage à des familles qui circulent d’aires d’accueil en aire d’accueil au gré du vent et sur tout le territoire national. De nombreux profils se dégagent souvent en lien avec le niveau socioéconomique des familles. Certaines sont sédentarisées dans de l’habitat privé en dur et ne voyagent plus ou seulement une partie de l’année. D’autres sont propriétaires de terrains privés sur lesquels elles vivent en caravane. L’habitat mobile n’est pas reconnu comme logement malgré des revendications renouvelées de beaucoup d’associations de Voyageurs. Ces terrains privés dérogent alors souvent au code de l’urbanisme et s’inscrivent dans un cercle vicieux que seuls des « arrangements » avec la collectivité locale peuvent faire évoluer.
Le cercle vicieux est le suivant : Absence de reconnaissance de la caravane comme logement ↔ Pas d’accès donné aux fluides et installations considérées comme illégales ↔ Installation sur des sites non constructibles des PLU (Zones Agricoles, Zones Naturelles) ↔ Impossibilité de s’installer dans les zones constructibles des PLU.
Terrains privés de Gens du voyage en zone agricole : la problématique sans fin de la régularisation vis-à-vis du code de l’urbanisme
Delepine, Giffon, ESO-ANGERS, 2023. Fond Google Maps
Exemple de deux situations qui ont l’air similaires en sud Loire dans l’agglomération angevine. Pourtant sur l’image de gauche les terrains privés ne sont pas tous « régularisés » et les habitants n’ont alors pas un accès légal à l’eau et à l’électricité. Un habitat en dur sur la deuxième image montre que le terrain a été « régularisé » et inséré dans une « pastille » du PLU. Le « pastillage », c’est-à-dire des zones d’exception de régularisation est moins plébiscité par les Gens du voyage que l’enjeu de la reconnaissance de leur habitat comme logement.
2Enfin d’autres Gens du voyage bénéficient de programmes financés dans le cadre des PLAI (Plans Locatifs Aidés d’Intégration). Il est ici question des terrains locatifs familiaux et/ou de l’habitat adapté qui s’intègrent légalement dans les PLUi. L’exemple de l’ancienne aire d’accueil de Beaucouzé est caractéristique de ces évolutions. Il ne s’agit plus d’une aire d’accueil, ce que déplore certains Voyageurs d’ailleurs, mais d’un terrain locatif privé qui mixe habitat en dur et caravane. Ce projet mis en place par Angers Loire Métropole et réalisé en 2019 par une société privée, Podeliha, propose des pavillons avec le stationnement prévu de caravanes autour de ceux-ci (Voir en ligne). Sur cette zone proche du centre commercial de l’Atoll des terrains privés, locatifs ou installations dites « sauvages » sont nombreux.
Sources : IGN, BDORTHO 2020. Géoportail de l'urbanisme, PLUi ALM, 2022. Possibilité de télécharger les données du PLUi (documents d'urbanisme et données de zonage) avec ce lien. Réalisation de la carte : ESO-Angers, Giffon, 2023
Autour du centre commercial l’atoll, à Beaucouzé, l’ensemble des problématiques d’habitat des Gens du Voyage réunies sur un seul secteur :
1 - Ancienne aire d’accueil de Beaucouzé réaménagée en terrain familial locatif avec de l’habitat en dur baptisé « Square Django Reinhardt »
2 - Terrain privé des Gens du Voyage composé de caravanes et de chalets appartenant initialement à la Direction Départementale de l'Equipement (service déconcentré de l'Etat). Considérée pour partie comme Zone Naturelle Constructible dans le PLUi.
3 - Terrain privé de Gens du Voyage considéré comme zone naturelle non constructible dans le PLUi. Ne bénéficie donc d’aucun aménagement.
4 - Zones naturelles du PLUi régulièrement occupées par des stationnements dits « sauvages ».
Terrains des Gens du Voyage autour du centre commercial l'Atoll (Beaucouzé)
Un autre exemple de stationnement dit « illicite » : présence de plusieurs caravanes à proximité d’une aire d’accueil conventionnée à Angers
Crédit photo : Samuel Delepine, 2023
Ce type de stationnement et de localisation, proche d’une aire d’accueil conventionnée et d’autres familles est assez courant. Même un schéma d’accueil respecté comme dans le Maine-et-Loire ne suffit pas forcément à régler les questions de stationnement, ce qui démontre que le système des aires d’accueil ne peut être LA solution à la problématique du stationnement et de l’habitat des Gens du voyage.
Des problématiques locales et corrélées à celles de l’habitat qui subsistent
3Le stationnement et l’urbanisme ne sont pas les seules problématiques pour les Gens du Voyage. La scolarisation en est une majeure. Le département ne compte qu’une représentante du CASNAV1 et c’est certainement trop peu considérant l’ampleur de la tâche même si les assistants de services sociaux et d’autres professionnels interviennent sur ce volet. Selon les professionnels du CASNAV, la scolarisation et la scolarité ont baissé depuis le covid notamment. Il faut noter qu’à la problématique scolaire se corrèle parfois une problématique religieuse (ce n’est pas forcément le cas localement) avec la puissance du mouvement évangéliste tsigane. Enfin il ne faut pas omettre qu’une partie des familles dites du voyage vit dans une grande précarité et s’installe dans des squats, à l’abri d’une haie, en zone inondable…et vivent dans un quart monde pas ou peu visible. Dans l’agglomération angevine on retrouve nombre de telles situations de très grande précarité dans les basses vallées angevines.
Notes
1 Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs
Pour citer ce document
Samuel Delepine, 2023 : « Quelle qualité de vie pour les Gens du Voyage sur le territoire angevin ? (2/2) », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 07/06/2023, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1097, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1097.
Autres planches in : Aménagement, urbanisme, logement et habitat
Bibliographie
DELEPINE Samuel, Atlas des Tsiganes, les dessous de la question rom, Editions Autrement. 96 pages, 2016
PLUi Angers Loire Métropole, 2021. Voir en ligne
Département de Maine-et-Loire, Accueil des Gens du Voyage, Voir en ligne
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Glossaire
- PLUi
Le Plan Local d'Urbanisme (PLU) est un document d'urbanisme qui, à l’échelle d’un groupement de communes (EPCI) ou d’une commune, établit un projet global d’urbanisme et d’aménagement et fixe en conséquence les règles générales d’utilisation du sol sur le territoire considéré. Le PLU permet l’affirmation d’un projet de territoire prenant en compte à la fois les politiques nationales et territoriales d’aménagement et les spécificités locales (Art. L.101-2 du code de l’urbanisme). Il détermine donc les conditions d'un aménagement du territoire respectueux des principes du développement durable (en particulier par une gestion économe de l’espace) et répondant aux besoins de développement local. Si le plan local d’urbanisme couvre l’intégralité du territoire communautaire, on parle alors de PLU intercommunal ou communautaire (PLUi)
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Résumé
La question du stationnement et surtout de l’habitat des Gens du Voyage ne se résume pas qu’aux aires d’accueil dédiées (voir planche sur les aires d’accueil). De plus en plus de familles achètent des terrains privés, ne voyagent qu’une partie de l’année ou bénéficient de programmes dits « d’habitat adapté ». Les contraintes sont nombreuses et posent à nouveau la question de la considération de ces familles comme des habitants à part entière des territoires où ils vivent.
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