Atlas Social d'Angers

Le dessous des cartes de la douceur angevine

L’intercommunalité et les fusions de communes


Le grand déménagement du territoire angevin

par Hervé Davodeau

planche publiée le 10 novembre 2022

Les mobilités de travail quotidiennes dessinent une aire urbaine angevine élargie, laquelle repose essentiellement sur les flux d’actifs entre les communes périurbaines et le pôle urbain. L’intercommunalité offre le cadre politique pour réguler ces dynamiques démographiques et garantir aux angevins la meilleure qualité de vie possible. Sensé permettre de mieux prendre en compte les enjeux d’aménagement,l’élargissement continue des périmètres institutionnels est aussi vécu par beaucoup comme un déménagement du territoire.

Contexte

1L’indicateur privilégié par l’INSEE pour dessiner les « aires urbaines » (2010-2020) ou les « aires d’attraction des villes » (depuis 2020) est la proportion d’actifs résidants dans une « commune périurbaine » mais travaillant dans le « pôle urbain » : la première est considérée comme telle (périurbaine) au-delà d’un flux de 40% d’actifs (15% dans la nouvelle nomenclature) vers le pôle urbain. Dans la mesure où les emplois se desserrent, l’extension des zones urbaines repose principalement sur les mobilités, c’est-à-dire sur l’arbitrage que les actifs font entre le prix de l’immobilier qui diminue avec la distance au centre, et le coût de la mobilité qui suit la logique inverse. Les cartes ci-dessous démontrent, à partir du seuil des 40% d’actifs quittant quotidiennement leur commune pour travailler dans le pôle urbain, l’élargissement de l’aire urbaine angevine passant ainsi de 67 communes à 133 (sans tenir compte de l’effet des fusions de communes que nous abordons plus bas).

Les évolutions du pôle urbain d’Angers (INSEE)

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2Cette extension de l’agglomération, au sens démographique, se traduit par une croissance contrastée, sur chacune de ces périodes, entre la ville-centre et les communes de première, deuxième et troisième couronnes. Si la périurbanisation des années 70 était marquée par des croissances élevées pour les communes du pôle urbain, la dynamique s’est ensuite diffusée au-delà, et avec des taux cependant moins forts. Ainsi les communes en plus fortes croissances sont situées en limite extérieure de l’aire urbaine (ce qui n’empêche pas la ville-centre d’avoir renoué avec une évolution très positive ces dernières années). Mais l’aire d’influence d’une ville ne se mesure pas uniquement par les mobilités journalières de travail, car chacun la vit quotidiennement dans ses usages des équipements et services de santé, culturels, sportifs, scolaires etc., tout ce qui dessine un « bassin de vie ». C’est pourquoi l’autre façon de cerner le territoire angevin est de l’appréhender non pas comme une construction statistique, mais politique : à travers l’intercommunalité qui est désormais le niveau d’élaboration des documents d’urbanisme permettant d’appréhender et réguler les mutations économiques et sociales du territoire aux échelles adaptées.

3Le premier SDAU angevin approuvé en 1976 répond à la Loi d’Orientation Foncière de 1967 qui prescrit les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme. Il faut noter qu’il est déjà élaboré largement au-delà du périmètre des 10 communes du District d’Angers : il en couvrait 43. Par ailleurs son objectif de

«  maitriser la croissance d’une agglomération dont on estime qu’elle dépassera les 350 000 habitants an l’an 2000  »

Du District Urbain d'Angers à ALM

4En 1994, le district « urbain d’Angers » devient district « de l’agglomération angevine » passant de 10 à 17 communes (voir frise chronologique).

Frise chronologique de l'intercommunalité d'Angers (1968-2022)

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5Mais l’élargissement principal fait suite à la loi de 1992 sur le renforcement et la simplification de la coopération communale, avec la création d’un EPCI à fiscalité propre : ainsi en 2001, 29 communes se regroupent dans la « Communauté d’agglomération du Grand Angers » qui change de nom en 2005 pour devenir la « Communauté d’agglomération Angers Loire Métropole » . En 2016, les élus optent pour un changement de statut, renforçant ainsi les compétences de la collectivité désormais élevée au rang de « communauté urbaine » 1.

6Ainsi, après les dernières intégrations de Saint-Jean-de-la-Croix en 2014 et Pruillé en 2015, puis de Loire Authion en 2017, ce périmètre est aujourd’hui stabilisé à 30 communes. Ce nombre est en réalité ous-estimé puisque - suite aux lois de 2010, 2015 et 2019 - plusieurs d’entre-elles sont devenues « nouvelles » par regroupement d’anciennes communes désormais qualifiées de « déléguées ».

7C’est ainsi qu’en 2016, Loire-Authion est née de la fusion d'Andard, Bauné, La Bohalle, Brain-sur-l'Authion, Corné, La Daguenière et Saint-Mathurin-sur-Loire, que Longuenée-en-Anjou de celle de La Meignanne, La Membrolle-sur-Longuenée, Le Plessis-Macé,Pruillé, et Verrières-en-Anjou du regroupement de Pellouailles-les-Vignes et Saint-Sylvain-d'Anjou. En 2019, cette même logique fait naître Rives-du-Loir-en-Anjou (Soucelles et Villevêque) et Saint-Léger de Linières (Saint-Jean-de-Linières et Saint-Léger-des-Bois ).

Evolution d'Angers Loire Métropole

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Le grand «déménagement » du territoire (années 2010)

8En Maine-et-Loire, une commune sur deux a disparu en moins de 10 ans puisque le nombre de communes est passé de 363 en 2012 à 177 en 2019. Au niveau des intercommunalités, la dynamique est toute aussi forte puisqu’en Maine-et-Loire le nombre d’EPCI passe de 30 en 2015 à 9 en 2017 !  Au final, cette évolution institutionnelle a donc généré une communauté urbaine de plus de 300 000 habitants : démographiquement ce n’est que la quatrième intercommunalité du grand Ouest (après celles de Nantes, Rennes et Rouen) mais en surface, cela en fait la plus vaste des quatre. Attenantes à la Communauté urbaine angevine, les nouvelles communautés de communes d’Anjou Loir et Sarthe et de Loire Layon Aubance sont chacune issues de la fusion de trois communautés de communes, et toutes deux concernées en leur sein par des fusions de communes. Intégrées au «  Pôle métropolitain Loire Angers» (syndicat mixte en charge de l’élaboration du SCOT), elles regroupent avec la communauté urbaine angevine une population de 380 000 habitants : par conséquent, un seul et même document d’urbanisme couvre près de la moitié du Maine-et-Loire.

Notes

1 Réservé jusqu’en 2014 aux métropoles de plus de 450 000 habitants avant que le seuil soit abaissé à 250 000.

Pour citer ce document

Hervé Davodeau, 2022 : « L’intercommunalité et les fusions de communes », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 05/05/2023, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=786, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.786.

Autres planches in : Organisation territoriale et politique

Photo : Giffon 2024.

2024, des élections successives, mais quels changements dans les équilibres politiques de la ville ?

par Christian Pihet

Voirla planche intégrale 

Bibliographie

Entre mémoire des lieux et vision du territoire. 1971-2021 50 ans d’histoire de l'AURA, Agence d’Urbanisme de la Région Angevine, 2021, 84 p., en ligne.

Chronique angevine, JEANNEAU J., 1974, Norois numéro 81, pp. 168-170, en ligne.

Prospective d'un S.D.A.U. et réalité : le Grand Angers en 1985 , JEANNEAU J., 1986, Norois numéro 132, pp. 579-589, en ligne.

Mots-clefs

Index géographique

  • Andard
  • Bauné
  • Brain-sur-l'Authion
  • Corné
  • La Bohalle
  • La Daguenière
  • La Meignanne
  • La Membrolle-sur-Longuenée
  • Le Plessis-Macé
  • Loire-Authion
  • Longuenée-en-Anjou
  • Pellouailles-les-Vignes
  • Pruillé
  • Rives-du-Loir-en-Anjou
  • Saint-Jean-de-la-Croix
  • Saint-Jean-de-Linières
  • Saint-Léger de Linières
  • Saint-Léger-des-Bois
  • Saint-Mathurin-sur-Loire
  • Saint-Sylvain-d'Anjou
  • Soucelles
  • Verrières-en-Anjou
  • Villevêque

Glossaire

  • aire urbaine

    Une aire urbaine ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

  • bassin de vie

    Le découpage de la France « en bassins de vie » a été réalisé pour faciliter la compréhension de la structuration du territoire de la France métropolitaine. Le bassin de vie est le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. Les services et équipements de la vie courante servant à définir les bassins de vie sont classés en 6 grands domaines: services aux particuliers ; commerce ; enseignement ; santé ; sports, loisirs et culture ; transports

  • communauté urbaine

    La communauté urbaine est un EPCI regroupant plusieurs communes qui s'associent au sein d'un espace de solidarité, pour élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire. Les communautés urbaines créées depuis la loi du 12 juillet 1999 doivent constituer un ensemble d'un seul tenant et sans enclave de plus de 500 000 habitants.

  • EPCI

    Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont des regroupements de communes ayant pour objet l'élaboration de « projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ». Ils sont soumis à des règles communes, homogènes et comparables à celles de collectivités locales. Les communautés urbaines, communautés d'agglomération, communautés de communes, syndicats d'agglomération nouvelle, syndicats de communes et les syndicats  mixtes sont des EPCI.

  • intercommunalité

    L'intercommunalité permet aux communes de se regrouper au sein d'un établissement public soit pour assurer certaines prestations (ramassage des ordures ménagères, assainissement, transports urbains...), soit pour élaborer de véritables projets de développement économique, d'aménagement ou d'urbanisme. Depuis la loi de 1999, les communes ne peuvent pas adhérer à plus d'un établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre.

  • périurbanisation

    La périurbanisation correspond à l’extension des surfaces artificialisées en périphéries des agglomérations urbaines. L’équivalent anglais est suburbanization. La périurbanisation est un processus dont l'espace périurbain est la conséquence spatiale.
    Plusieurs définitions sont en concurrence : on estime parfois que la périurbanisation ne correspond qu’aux surfaces bâties en périphérie urbaine qui sont sans contact avec le bâti existant, et parfois que la périurbanisation concerne toutes les constructions nouvelles en périphéries. Certaines formes d'urbanisme comme le lotissement ou l'aménagement concerté (les ZAC) ou différé (les ZAD), et certaines formes paysagères comme l'habitat pavillonnaire ou le mitage sont symptomatiques voire symboliques du phénomène de périurbanisation.
    La périurbanisation est associée à l’extension rapide et très importante du bâti urbain au-delà de ses limites anciennes, en particulier dans la seconde moitié du XXe siècle avec la démocratisation de l’automobile, et l'attrait du logement individuel mais ses origines remontent au XIXe siècle avec l’essor des chemins de fer qui, associés à la bicyclette, permettaient à une partie des classes populaires d’habiter des quartiers ouvriers périphériques tout en travaillant dans les usines situées à l’intérieur des agglomérations.

  • pôle urbain

    Le pôle urbain est une unité urbaine offrant au moins 10 000 emplois et qui n'est pas située dans la couronne d'un autre pôle urbain. On distingue également des moyens pôles - unités urbaines de 5 000 à 10 000 emplois et les petits pôles - unités urbaines de 1 500 à moins de 5 000 emplois.

  • population active

    La population active regroupe les actifs ayant un emploi et les chômeurs. Ne font pas partie de la population active les personnes qui, bien que s'étant déclarées au chômage, précisent qu'elles ne recherchent pas d'emploi. INSEE

  • SDAU

    Le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme est un document de planification à valeur réglementaire fixant pour une agglomération des orientations fondamentales et harmonisant les programmes de l'Etat ainsi que ceux des collectivités locales et des établissements et services publics. Le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) constitue ainsi un cadre de cohérence pour les actions en matière d'extension de l'urbanisation et de la restructuration des espaces urbanisés. Dans le code de l'urbanisme, l'expression "le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme" a été remplacé par l'expression « Schéma directeur ».

  • ville-ventre
    Lorsqu'une unité urbaine est constituée de plusieurs communes, on la désigne sous le terme d'agglomération multicommunale. Les communes qui la composent sont soit ville-centre, soit banlieue.
    Si une commune représente plus de 50 % de la population de l'agglomération multicommunale, elle est seule ville-centre. Sinon, toutes les communes qui ont une population supérieure à 50 % de celle de la commune la plus peuplée, ainsi que cette dernière, sont villes-centres. Les communes urbaines qui ne sont pas villes-centres constituent la banlieue de l'agglomération multicommunale.

Hervé Davodeau

Maître de conférences HDR, Institut Agro, UMR CNRS 6590 Espaces et Sociétés (ESO)

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Résumé

Les mobilités de travail quotidiennes dessinent une aire urbaine angevine élargie, laquelle repose essentiellement sur les flux d’actifs entre les communes périurbaines et le pôle urbain. L’intercommunalité offre le cadre politique pour réguler ces dynamiques démographiques et garantir aux angevins la meilleure qualité de vie possible. Sensé permettre de mieux prendre en compte les enjeux d’aménagement,l’élargissement continue des périmètres institutionnels est aussi vécu par beaucoup comme un déménagement du territoire.

Annexes (1)

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