planche publiée le 02 septembre 2025

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Table des matières

La frénésie des classements

1La Topette, journal local « populaire et indiscipliné » a élu Angers en 2024 « première ville des classements à la noix » (n°16, été). Fidèle à sa ligne éditoriale irrévérencieuse, le journal pointait l’absurdité des critères utilisés pour produire ces palmarès qui stimulent le « marketing territorial » des collectivités locales. Comme exemples de ces classements « à la noix », La Topette citait en vrac ceux des villes « où il fait bon vivre sa retraite », « où les femmes vivent le plus agréablement », « où on dort le mieux », « les moins stressantes », « les plus attractives pour travailler », « où il fait bon étudier », « où bien vivre avec son chien » etc., et invitait le lecteur à prendre le recul critique nécessaire face à « l’overdose de palmarès » et « l’obsession de l’attractivité ».

Première ville pour les espaces « verts »

Classement des « villes vertes » de France 2014, 2017, 2020, 2023

Source : Classement des « Villes Vertes » 2014, 2017, 2020, 2023, d'après l'Observatoire des Villes Vertes.

2Plus récemment, alors qu’il est habituellement enclin à médiatiser ces palmarès en discutant la place des villes de l’Ouest dans la hiérarchie nationale, le quotidien Ouest-France a lui aussi questionné les méthodes utilisées pour générer les classements. Cette lecture critique a fait suite au déclassement soudain de la cité du Roi René dans un palmarès nouveau proposé par la start-up « ville de rêve » et qui a relégué la ville à une 7^ème place peu glorieuse au regard de son statut habituel (Ouest France, 11/02/2025). Le journaliste y questionne notamment une méthode qui n’a pas comptabilisé les espaces inondables (les 600 ha de l’Île Saint-Aubin et les 400 ha des prairies de la Baumette) dans la superficie totale des « espaces verts » communaux, intégration qui favorisait la « capitale du végétal » dans ces classements où le nombre de m² « d’espaces vert » par habitant est un indicateur clé. Or, avec ces superficies inondables, la ville peut s’enorgueillir d’en offrir 100 par habitant, ce qui est deux fois plus que la moyenne nationale pour les villes de même importance. Dans cette controverse d’ordre méthodologique, le maire se défendait en demandant « pourquoi faudrait-il retirer l’Île Saint-Aubin et le parc Balzac des calculs alors qu’ils sont une chance pour les Angevins ? » (C. Béchu cité dans l’article).

Données : Ville d’Angers, 2025. Espaces verts comprenant : espaces naturels, parcs et jardins et plaines de jeux. Hors cimetières et stades. Voir en ligne. Fond de carte : IGN BD TOPO, 2025. Zones inondables : https://www.georisques.gouv.fr. Réalisation : ESO-Angers, Université d'Angers-CNRS, Atlas Social d'Angers, 2025.

Les espaces verts et les zones inondables à Angers

Surfaces à Angers

Données : Ville d’Angers, 2025. Espaces verts comprenant : espaces naturels, parcs et jardins et plaines de jeux. Hors cimetières et stades. Voir en ligne. Fond de carte : IGN BD TOPO, 2025. Zones inondables : https://www.georisques.gouv.fr. Réalisation : ESO-Angers, Université d'Angers-CNRS, Atlas Social d'Angers, 2025.

Surfaces calculées d'après la carte ci-dessus.

3La discussion sur la méthode et les indicateurs choisis avait été amorcée quelques mois plus tôt dans la presse à la suite d’une autre évaluation défavorable à la ville (Ouest France, 30/09/2024). Elle y figurait en effet seulement à la 17^ème place de sa catégorie (villes comprises entre 100 000 et 200 000 habitants1) dans un classement réalisé par un bureau d’étude KERMAP, spécialisé dans la télédétection et l’interprétation des photographies aériennes, agence bien placée dans ce marché de la production de données au service des collectivités. Ici la démarche est différente puisque l’analyse ne repose pas vaguement sur les espaces dits « verts » mais est précisément centrée sur la couverture arborée, plus clairement identifiable par photo-interprétation. Dès lors la commune d’Angers ne compte « que » 23 % de couverture arborée en zone urbaine, ce qui est trois points de moins que la moyenne nationale (le classement est dominé par les villes méditerranéennes : Aix-en-Provence, Nîmes et Toulon avec 36 % et 34 %), et 47 m² de surface arborée par habitant (deux fois moins donc que la surface d’espaces verts). En réaction à ce bilan pour le moins mitigé, l’adjointe au maire avait pris la peine de préciser -  à raison - que le bureau d’étude « ne se base pas du tout sur la même chose » (article Ouest France pré-cité), ceci ne rendant pas ces résultats moins intéressants pour autant, en particulier pour comparer Angers avec les villes qui la challengent dans les classements où habituellement elle figure plus à son avantage (cf. tableau ci-dessous).

Surface arborée (en % et en m²/hab)

Ville	Angers	Annecy	Bayonne	Biarritz
Couverture arborée (en %)	23	26	32	32
Surface arborée (en m2/hab)	47	66	99	130

Sources : KERMAP, 2025.

4Par exemple, dans le palmarès des « Villes où il fait bon vivre » du JDD (Journal Du Dimanche2), Angers, Bayonne, Biarritz et Annecy se disputent une place sur le podium depuis 2020. Sur les 6 dernières années, Angers occupe 3 fois la première place (elle est deuxième en 2025) mais sur ce critère de la couverture arborée elle est devancée par ses concurrentes. De la même façon, dans le classement des « Villes vertes » de l’Observatoire des Villes Vertes, proposé par l’Unep et Hortis, alors qu’Angers est systématiquement première depuis 2014 (palmarès tous les 3 ans), ici elle ne domine pas ses concurrentes de l’Ouest sur un plan surfacique, sauf à rapporter la statistique au nombre d’habitants.

Surface arborée (en % et en m²/hab)

Ville	Strasbourg	Angers	Rennes	Nantes
Couverture arborée (en %)	21	23	25	26
Surface arborée (en m2/hab)	38	47	44	45

Sources : KERMAP, 2025.

Comment quantifier la qualité ?

5Qu’en conclure sur la/les place.s occupée.s par Angers dans ces classements hexagonaux ? Reconnaissons qu’en dépit de méthodologies discutables, la ville y figure toujours bien classée. Admettons aussi que ces palmarès n’en disent certainement pas plus sur les politiques locales en faveur du cadre de vie que sur les « contraintes » naturelles (qui sont en l’occurrence ici plutôt des « atouts ») qui rendent inconstructibles certains espaces : pour les villes du Grand Ouest les prairies inondables favorables à la comptabilité des surfaces « d’espaces verts », pour les villes méditerranéennes les aspérités du relief favorables à la comptabilité des surfaces arborées. Cette contextualisation géographique invite donc à modérer l’instrumentalisation politique de classements qui ne peuvent pas être réellement considérés comme des indicateurs pertinents d’évaluation des politiques publiques. Par ailleurs, si les classements de la « ville verte » peuvent malgré tout être objectivés et discutés au regard des méthodes employées, ceux sur la qualité de vie sont bien plus fragiles encore car ils cumulent une grande diversité d’indicateurs différents selon les classements pondérés de façon très différentes également, c’est l’argumentation de l’article de La Topette auquel il est fait référence en introduction. Pour reprendre une de ses formules cinglantes : ces évaluations « s’apparentent davantage à un inventaire à la Prévert qu’à une analyse de territoire » et par conséquent Angers est donc « première d’un classement qui n’a aucune valeur scientifique ». Faut-il y voir la raison pour laquelle en réunion publique le maire d’Angers a dit « ne pas être attaché aux classements » (Ouest France, 30/09/2024) ? Pourtant, sur le site Internet de la ville, un onglet « classements et distinctions » recense tous les labels obtenus par la collectivité, dont celui de la « ville verte » qui côtoie : le label « 4 fleurs », le label « éco-jardin », le label « Tree Cities of the world », le label « arbres remarquables », le label « territoire engagé – transition écologique », le label « plante bleue » de la certification horticole de France... Angers est bien la première ville de France dans les classements où il fait bon apparaître.

Hervé Davodeau, 2025 : « Angers : première ville de France dans les classements où il fait bon apparaître », in H. Davodeau, L. Guillemot & S. Giffon, Atlas Social d'Angers [En ligne], eISSN : 2968-0255, mis à jour le : 04/09/2025, URL : https://atlas-social-angers.fr:443/index.php?id=1307, DOI : https://doi.org/10.48649/asda.1307.